La citoyennetÃ© urbaine formes d'engagement et enjeux de solidaritÃ© ...

Comité de pilotage : 

Marion Carrel 

Jacques Ion 

Catherine Neveu 

Vincent Renard 

Patrice Aubertel 

Nicole Rousier 

Synthèse de programme de recherche 

PUCA 

La citoyenneté urbaine 

formes d’engagement 

et enjeux de solidarité

La citoyenneté urbaine 


et enjeux de solidarité 

Synthèse du programme 

de recherche 2007 - 2011

La citoyenneté urbaine, formes d’engagement et enjeux de solidarité 

Plan Urbanisme Construction Architecture 

Directeur de la publication : Emmanuel Raoul, 

Secrétaire permanent du PUCA 

Comité de pilotage 

Marion Carrel, Jacques Ion, Catherine Neveu, Vincent Renard 

Responsables du programme 


patrice.aubertel@developpement-durable.gouv.fr 

tél : 01 40 81 63 68 

Nicole Rousier 

nicole.rousier@developpement-durable.gouv.fr 

tél : 01 40 81 63 77 

Communication 

Josette Marie-Jean-Robert 

téléphone : 01 40 81 24 30 - télécopie : 01 40 81 63 78 

ISBN : 978-2-11-097040-4 

En vent au CERTU - 5 Euros 

Conception et réalisation : MEDDTL/SG/ATL2/Annick Samy 

Mai 2011 

Grande Arche de la Défense - Paroi Sud 

92055 La Défense cedex 

www.urbanisme.equipement.gouv.fr/puca 

2

Contexte de la consultation 

Sommaire 

Partie 1 


La citoyenneté urbaine, formes d’engagement et enjeux de solidarité . . . p. 9 

Synthèses 

Bilan et synthèse de la consultation 

Marion Carrel et Catherine Neveu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 13 

La notion de citoyenneté fiscale 

Vincent Renard …………………………. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 29 

Partie 2 

Les résumés des recherches du programme 

La rénovation urbaine entre enjeux citadins et engagements 

citoyens 

Agnès Deboulet, Isabelle Berry-Chikhaoui, Pedro Garcia Sanchez, David Giband, 

Anne d’Orazio, Sonya Kellenberger, Rainer Hoddé, Lucile Médina-Nicolas, 

Adelina Miranda, Roselyne de Villanova, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de 

Paris La Villette ……….……….. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 37 

3


Ressaisir la citoyenneté aux bords du politique 

Expériences marginales et expériences instituées de participation 

politique à l’épreuve des projets de rénovation urbaine dans trois 

pays : Catalogne, France et Québec 

Rémi Eliçabe , Amandine Guilbert, Anne-Sophie Haeringer, Yannis Lemery, 

Laetitia Overney ; Groupe Recherche Action (GRAC) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 43 

Une citoyenneté aux multiples visages territoriaux 

Patrick Gonin, Nathalie Kotlok, Arezki Harkouk, Semba Yatera, Barbara Bertini, 

Marielle Cartiaux, Stéphanie Lima, Rafael Ricardou ; GRDR - Migration, 

Citoyenneté, Développement avec Migrinter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 49 

Des organisations impossibles ? Vulnérabilités et 

citoyennetés urbaines - une perspective comparative 

Milena Chimienti, Sandro Cattacin, Mélanie Pétrémont, Université de Genève . p. 61 

Des fabriques de citoyenneté 

Catherine Chauveaud, Philippe Warin ; PACTE/Odenore 

Institut d’Etudes Politiques de Grenoble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 65 

Proximité et citoyenneté en milieu urbain. 

Les leçons de la pratique au Québec, aux Pays-Bas et en Espagne 

Evelyne Baillergeau, Coord., CSSS Jeanne-Mance et Université de Montréal, 

Jean-Willem Duyvendak, Marc Hoijtink, Marta Llobet, Myriam Thirot . . . . . . p. 69 

Consentement à l’impôt ou au tarif ? Des visons contrastées 

de la solidarité locale 

Françoise Navarre, Université Paris XII Val-de-Marne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 75 

Observatoires locaux et suivi citoyen des finances locales 

Jean-Roland Barthélemy, Benoit Gay, Marguerite Rigaud, Fondation des villes Société 

nouvelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 81 

4


La citoyenneté fiscale locale : concepts, compréhension, 

réalités 

Victor Chomentowski, Julien Ouvrard, Conjuguer, avec la collaboration de 

Pierre Gaultier et Christian Lalu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 87 

Regard sur le programme : ce que les chercheurs 

m’ont appris 

Patrice Aubertel, PUCA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 95 

Bibliographie sélective du programme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 109 

Annexes : 

Texte de la consultation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 131 

Les publications du programme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 140 

5


6

Partie 1 

Gouvernement des villes et 

fabrique du bien commun


8



La citoyenneté urbaine formes d’engagement et enjeux de solidarité 

Cette consultation est issue des « Enjeux » mis en évidence par le 

PUCA pour élaborer son programme 2007-2012. Elle est centrée sur 

les questions soulevées par des travaux antérieurs qui avaient identifié 

les nouvelles formes prises aujourd’hui par la décision urbaine, formes 

caractérisées par le recours aux notions de gouvernance, partenariat, 

projet urbain notamment. Ces travaux avaient également souligné la 

dichotomie existant dans les approches scientifiques entre celles qui 

s’attachent aux logiques d’action des « gouvernants » et celles qui essaient 

de prendre en compte le point de vue des « gouvernés ». Dans 

le même temps un rapport du Conseil Général des Ponts et Chaussées, 

dont la rédaction a été coordonnée par Jean Frébault, avait recommandé, 

dans les futures orientations de recherche au PUCA, de 

mettre l’accent sur l’économie urbaine et sur la citoyenneté. 

S’inscrivant dans cette dynamique de programmation, la consultation 

est le fruit d’un atelier, organisé en collaboration avec le CNRS, et de 

demandes complémentaires formulées par le Comité d’orientation du 

PUCA. 

En effet, au cours de l’année 2006, un atelier de recherche PUCA/ 

CNRS intitulé « La décision urbaine du point de vue des gouvernés », 

s’est interrogé sur un certain nombre d’enjeux liés à la décision urbaine 

et à l’exercice de la citoyenneté, en se plaçant du point de vue des 

gouvernés et des citoyens eux-mêmes. Il s’est donc agi de donner 

droit aux représentations et aux pratiques des citoyens. Dans cette 

perspective, la citoyenneté ne saurait se mesurer uniquement par sa 

dimension juridique et nationale. Elle est appréhendée plutôt comme 

un ensemble de pratiques, comme un processus, une « fabrique » 

constante à l’intersection des politiques publiques et des mobilisations. 

Parmi les constats effectués à l’issue de ce travail , il en est trois qui 

ressortent avec une force particulière. 

9


1. Il existe aujourd’hui une littérature assez importante sur les dispositifs 

de « démocratie participative » et les diverses instances de concertation 

mises en place par des collectivités territoriales (notamment aux termes 

de la loi de février 2002 sur la « démocratie de proximité »). Mais dans 

leur grande majorité, ces travaux s’intéressent davantage aux dispositifs 

institutionnels et à leurs éventuels effets sur l’organisation des services, 

qu’à ce qui motive et structure l’engagement des citoyens eux-mêmes. Ce 

constat vaut également pour les analyses relatives aux compétences ou 

attitudes requises et attendues de la part des citoyens dans ces instances, 

et par conséquent sur les processus d’exclusion qu’ils produisent. 

Autrement dit, on dispose de peu de travaux sur la manière dont des 

citoyens « ordinaires » vivent ces instances, ce qu’ils y trouvent ou 

souhaiteraient y trouver, ce qui motive leur adhésion ou leur désertion. 

2. Par ailleurs, on dispose également de relativement peu d’analyses 

concernant d’autres formes, parfois plus informelles, de participation 

à la décision urbaine, ou d’expression d’une citoyenneté. Pourtant, 

n’y aurait-il pas intérêt à rechercher ailleurs que dans les dispositifs 

institutionnels affichant une orientation participative, notamment 

dans des mobilisations parfois trop rapidement considérées comme 

relevant d’une logique « nimby » ou de pratiques violentes, l’expression 

d’aspirations et de demandes politiques et sociales émanant des citoyens, 

des acteurs sociaux ? L’enjeu n’est-il pas de percevoir comment la 

citoyenneté se construit, souvent en dehors des circuits balisés par les 

pouvoirs publics, dans des temps et des lieux de co-présence diversifiés, 

en prenant en compte y compris les dimensions corporelle, narrative et 

festive de la vie sociale. On peut également s’interroger sur la manière 

dont des engagements, ne s’affichant pas sous l’intitulé « démocratie 

urbaine », influent ou interagissent avec celle-ci ; on peut penser ici à 

des engagements autour des enjeux de développement durable ou de 

protection de l’environnement, ou autour de « questions sociales », 

comme la pauvreté, le Sida ou le logement, ainsi qu’à tout un ensemble de 

pratiques liées au champ de la production économique ou de la gestion 

de services collectifs. 

10


3. Certains enjeux de la citoyenneté sont invisibles, ignorés, peu 

explorés. Il en va ainsi de sa dimension fiscale. Si la citoyenneté fiscale a 

fait l’objet de nombreux commentaires du fait du caractère médiatique 

de l’installation à l’étranger de certains artistes ou hommes d’affaires 

fortunés, les débats sont restés circonscrits au poids relatif et au sens 

de l’impôt national dans un cadre européen. De même, si les travaux 

dans le champ de l’économie solidaire ont permis de développer 

l’idée de citoyenneté financière, par le recours à des placements 

éthiques par exemple, ils n’ont pas été raccordés à une analyse des 

disparités territoriales liées à la fiscalité locale. Pourtant l’inégalité des 

revenus, et plus globalement de la richesse des communes en France, 

constitue un enjeu d’importance pour la citoyenneté urbaine. Une telle 

« invisibilisation » des dimensions financières et économiques de la 

citoyenneté ne va pas sans poser question, que l’on considère l’insistance 

à « faire participer les pauvres » quand d’autres « votent avec leurs pieds » 

en quittant des communes dont la fiscalité est considérée comme trop 

élevée ; l’opacité des mécanismes de la fiscalité locale ; ou encore la 

faible présence de ces enjeux dans les pratiques dites « participatives », 

notamment aux échelons intercommunaux. 

11


12

Bilan et synthèse de la consultation de recherche 

Bilan et synthèse de la consultation 

de recherche 

Marion Carrel (CeRIES, Université Lille III) 

Catherine Neveu (IIAC-LAIOS, CNRS-EHESS) 

Rappel des attentes 

A la suite du travail mené dans le cadre du séminaire de recherche (voir 

en annexe « contexte de la consultation, page 127 »), cette consultation 

de recherche visait à explorer deux thématiques que nous rappelons ici 

brièvement (voir en annexe « thèmes de recherche retenus ») : 

Une citoyenneté par-delà les lieux et les bornes 

• Individus, collectifs et expressions publiques 

• Droit de cité et citoyenneté urbaine 

• Projets politiques et citoyenneté 

La citoyenneté fiscale locale 

Au fil des débats lors des séminaires rassemblant les équipes, quelques 

questions ont pris forme, dont certaines ont fait l’objet d’une demande 

explicite de traitement auprès des équipes dans leur rapport final. Il 

s’agissait notamment d’une prise en compte des thématiques proposées 

dans le cadre des séminaires 1 et de formuler quelques propositions 

conclusives sur la notion même de « citoyenneté urbaine ». Par ailleurs, 

nous souhaitions, en cohérence avec les attendus de l’appel, que soient 

mises en lumière les dimensions empiriques des recherches engagées. 

C’est donc sur l’ensemble de ces éléments que se fonde ce bilan. 

1 

Pour mémoire, ces thématiques étaient : mémoires et circulations des engagements et des individus ; regards des 

chercheurs et visibilité des phénomènes observés ; institutions, politiques publiques et citoyenneté comme pratiques. 

13


1. Où et comment tenter de saisir la citoyenneté, « urbaine » ou 

« ordinaire » ? 

Les lieux, espaces et moments dans lesquels les équipes de recherche se 

sont attachées à saisir les formes d’engagement et les enjeux de solidarité 

sont très variables : centres sociaux et autres institutions locales du 

social ; associations et collectifs ; autorités locales. 

Les équipes ont majoritairement procédé par entretiens, auprès de 

responsables de ces structures, de leurs membres, d’habitants mobilisés, 

entretiens complétés dans certains cas par de l’observation, plus ou moins 

fine, des pratiques. Les équipes ayant travaillé sur la fiscalité locale ont 

plutôt utilisé des méthodes quantitatives ou semi-directives. Globalement 

donc, des méthodes traditionnelles (entretiens semi-directifs, lecture de la 

littérature existante) ont été privilégiées, au détriment d’autres méthodes 

(focus groups, entretiens collectifs, observation ethnographique ou 

participante ; à l’exception du GRAC et dans une moindre mesure de 

l’équipe d’Agnès Deboulet). Dans la très grande majorité des cas, ce qui 

paraît logique au regard de l’appel à contribution, les situations analysées 

sont des situations de mobilisation ou d’engagement, la seule exception 

étant celle de l’équipe de Conjuguer. 

Quel bilan tirer de ces choix méthodologiques, en soulignant d’emblée qu’ils ne 

sont pas séparables des enjeux conceptuels et théoriques ? Quelles sont les méthodes 

appropriées pour enquêter, en sciences sociales, sur « le point de vue des gouvernés » 

et la « citoyenneté urbaine » ? 

Plusieurs questions se posent : 

• Les recherches menées dans le cadre de ce programme, à la différence 

de beaucoup d’autres notamment en sciences politiques, n’ont pas 

mené d’entretiens sollicitant explicitement et directement les personnes 

interrogées sur leur/la citoyenneté, préférant leur faire parler de leurs 

activités 2 . Mais beaucoup d’entre elles s’en sont tenues à la méthode de 

2 

Les chercheurs du GRAC rappellent que la citoyenneté est un terme qui peut déconcerter ou déranger, y compris 

les militants, soit parce qu’il est jugé trop abstrait ou normatif, soit parce qu’il est associé au cadre républicain de la 

citoyenneté, où le citoyen doit se défaire de ses appartenances, attachements, intérêts particuliers, etc (cf. Ion, 1999). 

14


l’entretien. Or, ce qui ressort de la lecture des rapports, c’est que 

pour saisir la citoyenneté dite « ordinaire » (voir ci-dessous), ce 

sont des pratiques plus que des discours qu’il faut analyser. On 

peut donc regretter la faible attention portée à la réalisation pratique du 

« faire citoyen » dans les recherches (à l’exception de celles du GRAC et 

autour d’Agnès Deboulet, et dans une moindre mesure du GRDR), et le 

recours à la seule analyse de discours dans nombre de cas. 

• Les entretiens et l’observation ont, la plupart du temps, eu lieu 

avec des acteurs déjà engagés collectivement dans une lutte pour 

la reconnaissance ou dans des formes publiques d’expression. 

Est-il possible alors de parler de « citoyenneté ordinaire » ? Ce 

débat a traversé l’ensemble du programme, et se poursuit parmi les 

chercheur-es ayant investi ce champ : la citoyenneté « ordinaire » estelle 

celle des plus éloignés de la parole publique, de ceux et celles qui 

sont invisibles et inaudibles ? Est-elle celle qui se déroule et se pratique 

au quotidien, hors des lieux et moments « officiels » tels que les élections 

ou les manifestations 3 ? Serait-elle celle qui se déploierait au sein d’une 

société civile épargnée par l’influence des institutions ? A ce titre, ne 

s’intéresser qu’aux dispositifs institutionnalisés (conseils de quartier par 

exemple) ou aux associations reconnues par les institutions restreint 

fortement l’analyse, la rendant aveugle aux formes de citoyenneté 

« incorrectes », telles que celles mises en pratiques sous la forme de 

contre-projets. Mais alors, s’il y a une « citoyenneté ordinaire », que 

serait en comparaison une citoyenneté « extraordinaire » ? Comme on 

le verra plus loin, la réponse à ces questions varie selon les espaces, 

acteurs et pratiques observés, ainsi qu’en fonction de la conception 

de la citoyenneté mise au travail par les chercheur-es. Une seule des 

recherches menées dans le cadre du programme interroge en tant que 

telle la notion d’« ordinaire », qui est alors appliquée au politique plus 

qu’à la citoyenneté, même si la citoyenneté ordinaire est conçue ici 

comme celle qui se déploie « aux bords du politique » ; les membres 

du GRAC estiment ainsi qu’une approche fructueuse pour saisir les 

3 

Encore que certains considèrent celles-ci comme l’espace des militants plus que des citoyens, une discussion que nous 

poursuivons plus bas. 

15


formes contemporaines de citoyenneté réside précisément dans un 

couplage entre « ordinarité » (dans les rapports aux voisins, au quartier, 

à la ville) et « radicalité », notamment dans un rapport critique aux 

institutions. L’ordinaire du politique est alors « son déploiement ou son 

intrication au plan pratique, à partir des structures de la vie courante et 

des usages ordinaires de la ville » (p. 11) ; on reviendra bientôt sur les 

apports d’une telle approche. 

La discussion autour d’une « citoyenneté ordinaire » mène au bout du 

compte à se demander si la citoyenneté est une essence (un ensemble de 

caractéristiques pré-définies, qu’on retrouve ou non chez les individus) 

ou une construction (un processus pouvant varier dans les formes de 

son effectuation, selon les différentes ressources mobilisées). 

Les recherches réalisées ne prennent pas nécessairement position de 

manière explicite sur cette discussion ; on peut cependant y lire en 

creux, on y reviendra, des conceptions et acceptions différentes de la 

notion de citoyenneté, ce qui est loin d’être sans effets sur les analyses 

proposées. Mais l’ensemble des travaux convergent, pour ceux qui ont 

traité de cette question, sur l’idée que la citoyenneté ne peut être que 

celle d’engagements, de mobilisations, de participations ; elle ne peut 

s’observer hors de contextes d’action, hors de mises à l’épreuve. La 

citoyenneté est donc toujours « en situation », c’est une dynamique qui 

se déroule au quotidien ou lors de moments spécifiques de mobilisation 

ou d’engagement, au sens le plus large : « En tant que phénomène 

qui existe en fonction de relations sociales et de luttes politiques 

dynamiques, la citoyenneté ne peut être adéquatement comprise qu’à 

travers un engagement interprétatif avec les contextes spécifiques de 

lutte sociale -aussi confus et complexes soient-ils- dans lesquels elle est 

pratiquement effectuée » (Beyers 2008). 

Si donc la citoyenneté ne peut être saisie que comme pratique, ou 

plus exactement peut-être en tant qu’elle se donne à voir, se définit 

et se transforme à travers des ensembles de pratiques, quelles seraient 

ses dimensions « urbaines » ou « ordinaires » ? On peut considérer 

16


les formes d’engagement analysées ici comme autant de ses formes 

« ordinaires » : chercher à être reconnus, à être entendus en tant 

que sujets politiques, porteurs de droits, contribuer à la définition 

même de ces droits, participer à la transformation des relations 

et des représentations au sein de la société. Mais les pratiques 

analysées, comme les regards portés sur elles, diffèrent d’une 

recherche à l’autre ; certaines des équipes, notamment le Pacte et 

l’équipe d’Evelyne Baillergeau, se sont attachées à saisir le travail de 

« ré-insertion » dans la citoyenneté de publics marginalisés ou isolés. 

Toxicomanes ou sans-domicile dans le second cas, personnes isolées ou 

démunies dans le premier, le postulat, tant des associations observées 

que des chercheurs, est que ces « publics » ne sont pas (encore) citoyens 

ou perçus comme tels. Il s’agit alors d’obtenir pour eux, et parfois 

avec eux, une reconnaissance sociale de la part des autres membres 

de la société et/ou des institutions, de les réinscrire dans une socialité 

qui soit conforme à une « bonne norme » citoyenne. Dans ces cas, 

la citoyenneté serait donc plus une norme pré-existante vers 

laquelle il s’agirait de ramener des populations marginalisées, 

qu’un travail constant de co-production de ses propres formes. 

Il est intéressant d’ailleurs de remarquer à quel point l’accent est 

mis dans ces pratiques et approches sur la question de l’individu : 

« L’individualisme contemporain réduit les capacités de représentation 

collective qui transcendent l’intérêt individuel ou les représentations 

identitaires individuelles, si bien que le citoyen a besoin d’une image 

et d’une présence forte de l’individu » (Pacte, p.5). Dans une posture 

conforme à celle qui domine dans la sociologie et la science politique 

contemporaine en France, la citoyenneté est donc constituée au préalable 

et à priori comme transcendance des appartenances, et opposée à un 

« individualisme destructeur », au bénéfice de la constitution d’individus 

inscrits dans des socialités elles aussi conformes ; certaines socialités 

sont en effet perçues comme néfastes à l’émergence d’une citoyenneté 4 . 

Dans ces deux recherches, les pratiques observées sont celles d’un travail 

4 

On ne peut de ce point de vue qu’être frappé par la conformité de ce « modèle » à celui mis en œuvre par les moralistes 

laïcs de la III ème République, et analysé par Y. Déloye (1994). 

17


propédeutique : la citoyenneté existe en soi, in abstracto, et il s’agit 

d’exercer les publics visés à y entrer et à y être reconnus, en conformité 

avec une norme prédéfinie, dans laquelle certaines appartenances 

doivent être évacuées et neutralisées. On reviendra plus avant sur ce 

dernier point, dans la mesure où la question des articulations entre 

citoyenneté et identité(s) faisait partie des axes de recherche retenus 

dans l’appel à proposition. 

D’autres recherches ont mis en œuvre des regards et angles d’analyse 

différents, notamment en n’optant pas pour l’observation de 

« publics » définis et perçus (par les institutions ou les chercheurs) 

comme marginalisés ou exclus de la citoyenneté. L’équipe 

rassemblée autour d’Agnès Deboulet s’est ainsi intéressée, à travers 

l’observation et l’analyse de mobilisations de résidents dans le cadre 

de programmes de rénovation urbaine, le caractère pluriel de la 

citoyenneté urbaine. Les résidents qui se posent des questions sur 

le bien fondé de la rénovation urbaine exercent une citoyenneté plus 

ou moins visible, plus ou moins collective, qui se déploie dans des 

associations ou amicales de locataires, mais peut également surgir de 

façon inattendue, à partir de réseaux de relations sociales, à l’occasion 

d’une discussion, d’un rassemblement, etc. Les analyses proposées 

mettent alors en lumière un ensemble d’articulations entre 

urbanité et engagement. Elles montrent en effet comment des 

formes d’ancrage sous-tendent les pratiques de la citoyenneté 

et de l’engagement : ceux-ci s’adossent à des lieux, un quartier, un 

monde vécu, à des sociabilités, ainsi qu’à des références à des histoires 

collectives et à des formes de mémoire. Le GRAC de son côté met en 

lumière, dans le cas de Montréal, l’émergence de citoyen-nes « en mode 

proposition », qui combinent attachements et connaissance intime du 

quartier et capacité à faire entendre et reconnaître des propositions. 

Dans ce rapport sensible à la ville, la citoyenneté est inséparable de 

la sociabilité ordinaire. On a donc là des pratiques citoyennes qui ne 

se fondent pas sur une transcendance des appartenances, mais au 

contraire les considèrent et les utilisent comme autant de ressources 

de légitimité et de (re)connaissance. 

18


Comme on vient de le rappeler, l’un des enjeux de l’appel à propositions 

de recherche était d’explorer les liens entre citoyenneté et identité(s). 

Bien que peu de recherches aient abordé frontalement cette question, 

on trouve néanmoins des éléments sur cette question. Ainsi, plusieurs 

d’entre elles mettent en lumière l’importance de formes d’attachement 

et d’ancrage, dans des territoires mais aussi des histoires ou des 

groupes : les travaux déjà mentionnés de l’équipe d’Agnès Deboulet et 

du GRAC, mais aussi ceux du GRDR. Leur analyse des pratiques des 

migrants et de leurs enfants montre comment le lien actif maintenu 

par ces migrants avec leurs zones d’origine, leurs formes d’organisation 

« communautaires », constituent des ressources pour leur insertion en 

France, pour le développement d’une citoyenneté qui s’inscrit dans un 

rapport original à leurs territoires disjoints de vie. De ce point de vue, 

les analyses divergent quant aux liens réciproques entre citoyenneté 

et attachements (locaux, culturels…). Ainsi, alors que la recherche du 

Pacte insiste sur le travail de détachement mené par les associations 

étudiées, comme condition de l’accès à la citoyenneté, celle menée 

par le GRDR souligne comment les formes d’attachement envers et 

d’engagement à l’égard du pays d’origine constituent, là aussi, non pas 

un obstacle à l’exercice d’une citoyenneté, mais une de ses conditions 

de possibilité. En fournissant des ressources positives permettant de 

contrebalancer un ensemble de représentations négatives au sein de la 

société française, ces pratiques permettent également qu’émergent des 

formes de reconnaissance de la part des institutions en France ; c’est 

alors la mise en jeu des attachements, des formes originales d’articulation 

entre ancrages et mobilités qui permettent cette reconnaissance, malgré 

dans nombre de cas, la non-jouissance de la citoyenneté comme statut. 

On voit donc à la lecture des travaux menés dans le cadre de ce 

programme que l’analyse des liens entre citoyenneté et identité(s) 

dépend en grande partie des pré-conceptions portées par les auteurs 

des recherches. On observe une différence entre des recherches qui 

posent d’emblée une « référence citoyenne » pré-définie (transcendance 

des appartenances ; individu conscient inscrit dans la bonne forme de 

socialité) et celles qui s’attachent à en explorer les formes dans leur 

19


effectuation, et les manières dont différentes ressources, identitaires ou 

culturelles, locales ou sensibles, proches ou éloignées (dans le temps et 

dans l’espace) peuvent être convoquées pour alimenter et soutenir un 

« faire citoyen ». 

Du coup, les lectures varient grandement, entre celles estimant 

qu’action collective et citoyenneté, perçues comme « en crise », soit 

nécessitent une réparation par la pédagogie, soit ne peuvent alors (plus) 

être lues au filtre de modèles stabilisés ; et celles explorant l’hypothèse 

d’un renouvellement et d’une pluralité des formes de citoyenneté, y 

compris dans des formes qui peinent à se faire reconnaître (ou à être 

reconnues comme telles) tant elles se heurtent aux présupposés du 

modèle républicain et habermassien. 

La question de la qualification d’« urbaine » de la citoyenneté n’est 

au bout du compte que peu reprise par les équipes. Si celle du Pacte 

reprend la définition proposée par J. Donzelot pour qui elle se 

caractérise par un objectif d’augmentation de l’égalité des chances 

« pour prendre en compte les défaveurs et enrayer les retranchements 

dont pâtit une partie de la population en raison de sa marginalisation 

relative dans le territoire urbain » (Donzelot, 2008), celle réunie 

autour d’Agnès Deboulet s’intéresse plus aux « engagements déployés 

à partir des espaces de la quotidienneté et des liens de voisinage », 

se rapprochant en cela des approches anglo-saxonnes de l’urban 

citizenship qui considèrent que « l’entrée par la citoyenneté permet en 

premier lieu d’observer comment l’engagement permet de fabriquer 

de nouvelles identités urbaines ». Quant au GRAC, il met en lumière 

en conclusion trois figures de la citoyenneté urbaine : des formes de 

participation politique communautaire stabilisées dans des actions 

de groupes spécifiques ; une citoyenneté incarnée, inséparable de la 

sociabilité ordinaire ou de références tutélaires à l’agora antique ; et 

une citoyenneté repoussoir. 

20


2. Les difficultés des « gouvernés » à se faire entendre et/ou 

reconnaître 

La difficulté des citoyens à se faire entendre, en particulier par les 

gouvernants et les institutions, traverse les neuf rapports de recherche. 

Ceux portant sur des publics à cet égard « extrêmes » (toxicomanes, 

prostitué-es, squatteurs, anarchistes, locataires de logement social 

en site ANRU), apportent des éléments de compréhension quant à 

ces difficultés à produire ou à faire entendre une critique citoyenne. 

Quant à ceux portant sur un public plus large (l’ensemble des habitants 

concernés par les impôts et leur utilisation, ou les usagers des cantines 

scolaires), ils complètent l’analyse, en particulier sur la question de la 

transparence de l’action publique. 

La faible transparence des pouvoirs publics 

Les difficultés d’accès aux données produites par les pouvoirs publics 

(plans urbains, chiffres, calendriers, modes de calcul des tarifs de 

prestations ou des impôts, organigrammes, etc.) ont été pointées 

dans toutes les recherches. Les collectifs citoyens s’organisent souvent 

sur des questions à propos desquelles les pouvoirs publics ne font 

pas preuve de transparence : information carencée, insuffisante, peu 

construite, peu agrégée ou repérable. Les citoyens ne disposent ainsi 

que de peu d’informations sur la manière dont les impôts sont calculés 

et utilisés, tant le système est complexe et opaque, comme le montrent 

les rapports de la Fondation des villes, de l’équipe Conjuguer et de 

Françoise Navarre. 

Ce déficit d’information, qui touche bien d’autres enjeux que la seule 

fiscalité, peut être à l’origine d’une forte incertitude (voir le cas de 

Nanterre dans le rapport de l’équipe d’A. Deboulet), productrice 

d’instabilité, d’angoisses et de « domination » ; mais il peut aussi 

susciter la colère, support d’une intervention citoyenne. Dans le cadre 

de projets de rénovation comme celui d’Euromed à Marseille ou de 

la Pointe Saint-Charles à Montréal, les collectifs doivent opérer un 

« dévoilement des intérêts cachés », liés par exemple à la spéculation 

21


immobilière (GRAC). Que ce soit sous la forme du « contre-projet » ou 

de la mise en visibilité des enjeux et mécanismes démocratiques (par la 

création d’observatoires locaux des impôts par exemple), la production 

de connaissance semble constituer une dimension essentielle de 

l’activité citoyenne. 

Un décalage entre l’offre institutionnelle et les attentes et pratiques 

citoyennes 

Les pouvoirs publics semblent davantage vouloir organiser une 

participation par le haut, selon leur propre agenda et temporalités, 

qu’être prêts à entendre l’empowerment, la « participation par le bas » 

revendiquée par exemple par des collectifs citoyens à Barcelone (GRAC, 

p. 39). La recherche d’échanges, de croisement, de confrontations entre 

différentes expertises, la reconnaissance même de l’existence de cette 

diversité, semblent toujours devoir être demandées, provoquées, par 

les citoyens eux-mêmes. Malgré la volonté, affichée par les pouvoirs 

publics de développer la concertation, voire la démocratie participative, 

l’expérience ordinaire des citoyens semble rester très majoritairement 

de vivre une « concertation alibi », selon l’expression de F. Navez- 

Bouchanine. 

Ce décalage apparaît aussi dans le constat, partagé par plusieurs 

recherches, d’une part d’une relative incapacité des institutions à repérer 

dans les pratiques les innovations citoyennes à l’œuvre, et d’autre part 

de l’inadaptation de leurs propres catégories à ces mêmes pratiques. Le 

rapport du Pacte se conclut ainsi par une évaluation assez pessimiste 

du regard des institutions locales sur les associations étudiées comme 

autant d’espaces où peut se fabriquer de la citoyenneté. Autrement dit, 

les pratiques repérées au sein de ces associations ne semblent pas l’être 

par les institutions ; inversement, ces mêmes associations semblent 

peiner à faire reconnaître le rôle qu’elles jouent en la matière. Le 

travail du GRDR confirme quant à lui que les catégories utilisées pour 

caractériser les actions et/ou les publics des associations de migrants ou 

de leurs enfants peinent à sortir de classifications figées, séparant l’ici 

22


et le là-bas, l’insertion en France et le développement en Afrique. Leur 

rapport souligne l’existence de « modes d’intervention performatifs et 

injonctifs qui circonscrivent les initiatives des migrants et des jeunes 

à des registres d’action bien définis et non problématiques » (GRDR, 

p. 85). Etant donné que les dynamiques innovantes à l’œuvre dans 

ces associations ne « rentrent » pas dans les « cases » prédéfinies de 

l’action publique, elles passent largement inaperçues et ne parviennent 

pas réellement à modifier les représentations et les pratiques des dites 

institutions sur la citoyenneté. 

Par ailleurs, les objectifs institutionnels semblent parfois incompatibles 

avec la concertation, même lorsque cette dernière est imposée par la loi. 

La démolition de logements semble par exemple représenter pour les 

opérateurs et les élus un enjeu tel (« effet de levier », intérêts financiers 

etc.) qu’elle en devient « non négociable » : « Dans la plupart des secteurs 

de rénovation urbaine, la participation est limitée aux lieux mineurs 

de la décision (…) En région parisienne, Languedoc-Roussillon, Paca, 

les gradients de participation, vont, comme dans les cas observés par 

J. Donzelot et R. Epstein (2006), de l’information à la manipulation. 

(Deboulet et al, 2010, p. 53). La question de la temporalité, avec des 

calendriers serrés de remise de projets, y compris pour les associations, 

dans la logique de plus en plus prégnante des appels à projets ou appels 

d’offre, intervient également dans ce processus. 

Là encore, seul le rapport du GRAC propose une analyse originale de 

ces relations entre collectifs de citoyens ou d’habitants et institutions, 

en évoquant, à propos des Pavillons sauvages à Toulouse, une 

alchimie intéressante entre « l’ensauvagement » des institutions et la 

« domestication » des expériences sauvages, ce double mouvement 

permettant à la fois disponibilité envers la contingence, créativité et 

innovation, et relative stabilisation des pratiques et des lieux. On voit là 

à quel point c’est la possibilité d’une temporalité non-régie par l’urgence 

des appels d’offres et des contrats qui ouvre cet espace d’hybridation et 

d’écoutes réciproques. 

23


Visibilités et distances 

Certains collectifs cherchent à éviter d’attirer sur eux l’attention des 

autorités (migrants, travailleurs du sexe, consommateurs de drogue 

– cf l’équipe autour de M. Chimienti et S. Cattacin) ou à d’abord se 

construire à l’abri du regard des pouvoirs publics, avant de se confronter 

à eux (GRAC). Alors que certains groupes, rendus invisibles par leur 

marginalisation, revendiquent des formes de reconnaissance, d’autres, 

ou parfois les mêmes, doivent en partie au moins leur marginalisation 

à leur trop grande visibilité, ou à des usages perçus comme inadaptés 

d’espaces publics urbains. D’autres enfin font le choix délibéré de se 

maintenir hors de portée des institutions. Le GRDR souligne par 

ailleurs que l’institutionnalisation du rôle de « passeurs » développé 

par les migrants dans leurs pratiques pourrait nuire aux capacités 

d’innovation de ces pratiques, en imposant une injonction à intégrer 

des systèmes (les institutions) ayant des objectifs différents. 

Par ailleurs, et bien que le rapport du PACTE n’approfondisse pas 

ces observations, on remarque à quel point le manque de confiance, 

parmi certains publics, envers les institutions oblige nombre 

d’acteurs à dissimuler leurs liens avec celles-ci (liens professionnels, 

financiers). Autrement dit, travailler avec des populations en situation 

de marginalisation nécessiterait de rester discrets sur ses liens avec 

les institutions ; ce qui ne va pas sans interroger les possibilités de 

transformation de ces relations et les capacités de transformation des 

institutions. La distance entre individus et institutions s’incarne dans 

une sorte de « disqualification citoyenne », pour faire écho aux travaux 

de R. Castel, entraînant une perte de confiance réciproque : « L’absence 

de valeur positive sur les marchés du travail serait renforcée par le déni 

de reconnaissance de qualité de citadin et peut être même de citoyen : 

chaque quartier a ainsi son récit de telle ou telle personnalité politique 

qui se serait faussement engagée envers le quartier, ou aurait oublié 

d’honorer ses promesses » (Deboulet et al, 2010, p. 46). 

24


Dans ce contexte d’« agir faible » (M. Chimienti et S. Cattacin), 

quelle peut-être la « voix des acteurs faibles » 5 ? La violence, la 

radicalité, l’émeute, ne peuvent-elles pas être considérées comme une 

forme d’expression citoyenne ? Du reste, le conflit et le consensus 

apparaissent, dans plusieurs rapports, comme deux facettes de la 

citoyenneté. On trouve des formes de coopération dans des conflits, 

et on trouve également une lutte dans l’action apparemment peu 

conflictuelle (cf. le cas des observatoires sur les finances locales, 

Fondation des villes). La « coopération conflictuelle » entre gouvernés 

et gouvernants avait été pointée par l’équipe de Bernard Eme dans 

leur projet de recherche. 

La non-considération ou la non-reconnaissance 

Une partie des publics ou groupes étudiés par les équipes de recherches 

sont, on vient de le voir, des publics marginalisés (Chimienti ; 

Baillergeau) ; mais d’autres équipes se sont intéressés aussi parfois à 

des publics qui, pour être dans des situations de précarité, sont surtout 

peu reconnus ou pris en considération par les institutions (PACTE, 

GRDR, Deboulet). Si deux recherches confirment que la jouissance du 

statut de citoyen n’est pas nécessaire à l’exercice de la citoyenneté (cas 

des migrants notamment), une bonne partie des équipes semble avoir 

eu des difficultés à travailler directement avec ces publics, s’appuyant 

alors plus dans leurs analyses sur les discours de travailleurs sociaux, 

d’intermédiaires associatifs ou institutionnels, parfois de porte-voix 

ou porte-parole. Du même coup, les postures propédeutiques ou 

pédagogiques, où la citoyenneté est conçue ou perçue comme des 

compétences à acquérir, ou des droits pré-définis auxquels accéder, 

paraissent occuper une place importante. Les éventuels processus de 

co-production et/ou de redéfinition des droits n’apparaissent pas dans 

l’analyse. 

5 

Payet (J.P.), Guiliani (F.) et Laforgue (D.), dir.., La voix des acteurs faibles. De l’indignité à la reconnaissance, Presses 

universitaires de Rennes, 2008. 

25


La diversité des choix de terrains d’enquête (institutions, structures 

associatives prestataires de services, collectifs mobilisés ou 

alternatifs…) couplée à celle des postures conceptuelles et théoriques, 

amène également à des constats ou diagnostics différents. Ainsi, ce 

qui est saisi dans la recherche du Pacte comme une pratique nuisible 

à la citoyenneté, le « repli communautaire » apparaît dans celle du 

GRDR comme une ressource d’engagements citoyens dans l’espace 

public, y compris quand des formes d’engagement tournées vers « làbas 

» (une pratique que les institutions ont tendance à prendre pour 

le signe d’une volonté de retour ou d’une absence « d’intégration » des 

migrants) constituent le fondement à partir duquel des coopérations 

dynamiques avec les autorités locales en France, et des formes 

d’ancrage dans la société française, sont construites par ces migrants. 

Les regards portés par les chercheur-es sur les processus 

de citoyenneté, et du coup les conclusions qu’ils ou elles en 

tirent, varient sensiblement, on l’a déjà mentionné. Faire le choix 

d’analyser les pratiques d’individus isolés, marginalisés et constitués 

comme tels par les structures qui cherchent à (re-)constituer leur 

citoyenneté ; ou d’habitants se mobilisant face à la destruction de 

leurs appartements et de leur quartier, ou pour mettre en place des 

projets de développement ; ou de collectifs radicaux ancrés dans 

un rapport à l’ordinaire ; cela constitue autant de choix quant aux 

espaces et pratiques dans lesquelles les uns et les autres estiment que 

la citoyenneté « ordinaire » pourra être saisie. Les formes de proximité 

entre construction intellectuelle de l’objet, terrains observés et 

paroles recueillies confirment alors en partie ce que dit J. Leca quand 

il estime « qu’on ne voit souvent que ce que son univers symbolique 

prédispose à voir » (1991). 

Quelques exemples au fil des rapports : un des intervenants dont 

l’action est analysée par l’équipe du PACTE explique aux jeunes, dans 

le contexte des mobilisations contre le CPE et afin de les « rendre 

citoyens », qu’ils ont le droit de participer et de manifester. Lorsque 

certains font part de leurs rapports complexes avec la police, la réponse 

26


est claire : ces jeunes n’auraient rien à craindre de la police dans le 

cadre d’une manifestation, car ce faisant, ils agissent là pacifiquement 

en citoyens. Or, un certain nombre de travaux soulignent que 

l’application de cette norme n’est pas sans exception, notamment 

quand des caractéristiques physiques ou vestimentaires indiquent 

l’origine géographique ou sociale. S’il s’agit là d’une démarche positive 

d’encouragement à l’engagement citoyen dans l’espace public, elle 

indique également un rapport proche de la croyance envers le modèle 

idéal de la citoyenneté républicaine. 

Un autre exemple : on retrouve les mêmes pratiques étudiées dans 

plusieurs recherches, mais, s’inscrivant dans des configurations très 

différentes quant au rapport au politique, elles ne revêtent pas les 

mêmes significations en termes de citoyenneté. Il en va ainsi des repas 

collectifs organisés à Grenoble d’une part et à Lyon d’autre part ; ou 

des regards portés sur les phénomènes de ségrégation urbaine. Ils 

sont dans le premier cas lus au filtre d’un risque de ghettoïsation ou 

de repli sur soi des populations les plus pauvres, dans le second cas à 

celui de la gentrification des centre villes. 

Dernier exemple, dans la recherche sur les observatoires des finances 

publiques, la réduction de la dépense publique est présentée, par leurs 

membres comme par les chercheurs, comme une posture citoyenne 

en soi, sans qu’un regard critique soit porté sur des conceptions de 

la citoyenneté qui considèrent nécessaire que l’Etat garantisse un 

fonctionnement satisfaisant des services publics et de la solidarité. 

Les éléments recueillis à propos des perceptions des tarifs dans les 

cantines scolaires montrent pourtant qu’il existe des points de vue 

plus diversifiés sur les enjeux de solidarité et de l’imposition. 

Si la citoyenneté est plurielle, les individus s’appuyant sur une diversité 

de ressources pour la faire vivre et la revendiquer, on voit donc 

que la recherche sur la citoyenneté est également plurielle. On a pu 

mesurer ici la diversité des approches de la citoyenneté et des traditions 

intellectuelles et scientifiques qui les sous-tendent. Il apparaît, alors, 

27


absolument nécessaire de s’attacher à saisir et décrire finement la 

citoyenneté en contexte, et à partir des pratiques, y compris les plus 

ordinaires et les plus sensibles, afin de mettre le normatif à l’épreuve de 

l’empirique et de continuer à rechercher les formes d’une citoyenneté 

manifestement en pleine évolution. 

28



Vincent Renard (IDDRI Sciences-Po) 

Les trois rapports relatifs à la « citoyenneté fiscale » étudient le rapport 

des citoyens aux impôts locaux et aux divers modes de financement des 

services publics locaux. On peut noter que ces « pratiques citoyennes » 

ne font pas l’objet d’un choix de la part des citoyens électeurs, mais 

résultent de politiques publiques qui s’imposent à eux. 

Plusieurs remarques peuvent être faites en introduction. En premier 

lieu, et on peut le regretter, l’articulation n’est pas aisée entre ces trois 

recherches et l’ensemble des autres travaux. Sans vouloir rechercher des 

causes ou imputer des responsabilités, on peut souligner que l’opacité 

et la complexité du système des finances locales ne contribuent pas à 

favoriser le développement d’une forme quelconque de citoyenneté ou 

d’appartenance à un territoire par le biais des contributions financières 

exigées. Le mille feuille institutionnel ne facilite évidemment pas 

cette émergence. L’appartenance à un département, une région ou 

une intercommunalité est peu perçue par les citoyens, pas plus que les 

responsabilités qui sont dévolues à ces différents niveaux. A fortiori, leur 

contribution, fiscale ou autre, au fonctionnement de ces collectivités et 

services publics n’est envisagée que de façon très vague. Seul en fait 

l’échelon municipal est clairement perçu. Le maire est généralement 

connu des habitants. 

La seconde remarque, qui se veut aussi une incitation à développer des 

travaux de recherche sur ces thèmes, résulte du caractère très limité 

des travaux existants. Sur ce point, la comparaison avec d’autres pays, 

en Europe ou en Amérique du Nord, pourrait utilement contribuer à 

développer cette thématique. Si l’économique n’est pas le tout de la vie 

sociale, il peut en être un élément important, structurant. 

29


C’est particulièrement vrai si l’on développe l’articulation entre les 

recettes et les dépenses, lien trop rarement analysé, qui permet en 

particulier de creuser la notion d’équité fiscale. 

Un commentaire général traverse les trois recherches. La notion de 

citoyenneté renvoie à la fois aux formes d’action collective « citoyenne », 

et aux relations qui s’instaurent entre gouvernants et gouvernés. Sur le 

plan qui nous intéresse ici, celui des relations financières directes entre 

les uns et les autres, cette relation reste très largement abstraite : même 

si les citoyens font « globalement » confiance à leurs élus, comme le 

montre le travail de Victor Chomentowski, ils n’ont pas la notion claire 

de la façon dont se prennent les décisions en matière de fiscalité locale. 

Comment le pourraient-ils d’ailleurs, compte tenu de l’enchevêtrement 

des niveaux de financement et de la complexité des modes de calcul. 

Cette confiance n’est au fond qu’une simple confirmation de la légitimité 

donnée par l’élection aux choix financiers et fiscaux des élus, sans qu’il 

soit besoin de creuser plus avant les pratiques. 

Ce point doit être précisé. Quand on parle des élus locaux, on pense 

essentiellement au maire et au conseil municipal. C’est à ce niveau qu’est 

perçu le fonctionnement de la démocratie. Les intercommunalités, sauf 

quelques exceptions, ne sont pas identifiées clairement, il ne peut guère 

en être autrement dans la mesure où les instances correspondantes 

ne sont pas élues au suffrage direct. Quant aux départements et aux 

régions, là encore à quelques exceptions près, il n’en existe pas une 

perception claire, ni dans les modalités de financement, ni dans l’impact 

des mécanismes électoraux sur les choix financiers. 

Impôt, taxe, financement direct des services 

L’ensemble des finances publiques locales est constitué d’éléments divers 

et enchevêtrés, et la perception des différentes formes de solidarité ne 

va pas de soi, comme l’illustre bien le travail de Françoise Navarre sur 

le financement d’un service public local, la restauration scolaire, où les 

solidarités s’expriment à la fois entre utilisateurs et non utilisateurs- 

30


contribuables, et aussi entre utilisateurs par tarifs différenciés, incluant 

la gratuité. En dépit du caractère souvent régressif de la technique 

utilisée dans de nombreux cas, le système ne mobilise guère, sinon 

pour déplorer le changement quand il se produit. Pour reprendre 

l’expression de l’auteur, la question apparaît pour les familles comme 

un enjeu « de second ordre », et la tarification de la restauration scolaire 

cristallise des oppositions latentes davantage qu’elle ne les crée. 

De façon plus large, l’équipe de Jean Roland Barthélemy analyse les 

mobilisations citoyennes pour comprendre – et influer sur – les finances 

locales. Elle conduit, d’une autre façon, à un constat également un peu 

désabusé : elle met bien en évidence le fossé qui sépare l’information 

produite des attentes des citoyens, à la fois en raison des méthodes 

d’élaboration et aussi du contenu très technique qui ne facilite guère 

le dialogue. Volonté de dissimuler ou force de l’habitude de ne pas 

prendre en compte directement les attentes des citoyens ? En tout cas 

le résultat est là. 

L’action citoyenne existe pourtant, elle prend d’abord la forme de 

développement de mouvements de défense locaux. Sans sous estimer 

la possibilité pour ces mouvements, au moins au niveau local, de 

faire évoluer l’information fournie, les auteurs soulignent l’opacité 

maintenue des dispositifs d’information et plus encore la persistance 

de la méfiance mutuelle. 

La mise en perspective avec d’autres contextes, en particulier ceux de 

l’Allemagne et des Pays-Bas, montre bien le retard de la France pour 

que les citoyens deviennent des acteurs du changement. 

La troisième équipe, celle de Victor Chomentowski, a approfondi la 

question de la citoyenneté fiscale locale en s’interrogeant sur le lien 

entre les concepts, leur compréhension par les citoyens et les réalités, 

à travers notamment de nombreux entretiens avec des responsables 

locaux. Situé donc en amont de la question posée, elle donne un point 

de vue très éclairant sur la perception par les citoyens de l’information 

qui leur est donnée sur les finances locales. 

31


Appuyé sur une problématique de la fiscalité locale, l’établissement d’un 

référentiel de données quantitatives et d’enquêtes réalisées sur trois 

territoires, les trois communautés d’agglomération de Saint-Quentinen-Yvelines, 

Albi, et Clermont Ferrand, le travail conduit lui aussi à des 

conclusions modestes en termes de diffusion d’informations sur les 

finances locales, en tout cas en matière de fiscalité. Y fait exception, on 

ne s’en étonnera pas, la question des services payants sur laquelle il y a 

de la communication, et des réclamations de la part des usagers. 

Conclusion en demi teinte, soulignant la difficulté de la tâche pour 

aller plus avant dans cette voie, pour éviter à la fois les écueils 

d’une « terminologie éculée », d’une terminologie technicienne et la 

complexité extrême d’un système fiscal qui suscite surtout « suspicions 

et rumeurs ». 

Ces trois recherches sont assez largement distinctes dans la question 

posée, la problématique et bien sûr les résultats. Il serait bien sûr 

illusoire de vouloir en inférer des conclusions de portée générale. On 

peut cependant suggérer deux points principaux. Le premier, mis en 

évidence par les travaux de Barthélemy et Chomentowski, souligne 

que le déficit de citoyenneté, qui apparaît comme une évidence à la 

lecture des travaux, est dans une large mesure le résultat de la structure 

complexe et embrouillée à la fois du jeu institutionnel et des dispositifs 

fiscaux. 

Bien que la volonté de transparence et de participation citoyenne ne soit 

pas toujours la priorité des pouvoirs locaux, ce serait une erreur de s’en 

tenir là pour expliquer le déficit de citoyenneté en la matière. Le système 

est fait d’une lente sédimentation qui conduit à cette complexité, et les 

élus locaux sont souvent les premiers à être perdus dans la gestion du 

système financier local. 

Ces travaux conduisent ici ou là à quelques conclusions normatives. On 

voudrait faire ici une suggestion pour une recherche ultérieure sur ces 

thèmes, celle de l’ouverture sur d’autres pays, dans lesquels le système 

32


financier local fait l’objet à la fois d’une meilleure compréhension, et 

d’une attitude participative à son évolution et à l’élaboration des choix 

locaux. 

Sans aller chercher des exemples aussi lointains que, par exemple, le 

budget participatif de Porto Alegre au Brésil, on peut penser à certains 

pays européens, en particulier dans le Nord de l’Europe, où une bonne 

transparence du système des finances publiques locales induit un 

fonctionnement plus actif de la démocratie locale. Vaste programme 

dans lequel un travail commun entre économistes, juristes et sociologues 

des organisations permettrait probablement d’intéressantes ouvertures. 

33


34


Partie 2 

Les résumés des recherches 

du programme 

La citoyenneté urbaine, formes d’engagement 


35


36

La rénovation urbaine entre enjeux citadins et engagements citoyens 

La rénovation urbaine entre enjeux 

citadins et engagements citoyens 

Agnès Deboulet, (Coord.) Isabelle Berry-Chikhaoui, Pedro 

Garcia Sanchez, David Giband, Anne d’Orazio, Sonya 

Kellenberger, Rainer Hoddé, Lucile Médina-Nicolas, Adelina 

Miranda, Roselyne de Villanova. Ecole Nationale Supérieure 

d’Architecture de Paris La Villette, 

Avril 2010, 307 pages, bibliogr, ann. 

PUCA 1281 

La rénovation urbaine, et plus particulièrement la démolition de 

logements sociaux, agirait comme révélateur de changements sociaux 

et comme vecteur du changement de représentations chez les résidents. 

Ce postulat nous a amenés à interroger la citoyenneté urbaine comme 

un processus survenant notamment à l’occasion de la rénovation 

urbaine, cette dernière étant appréhendée comme événement majeur 

mettant en jeu la sécurité résidentielle et l’ancrage local. 

La recherche s’est déroulée durant deux ans dans des secteurs 

métropolitains concernés par des programmes de rénovation urbaine. 

L’équipe a choisi de se focaliser sur sept sites dans six municipalités 

(quatre en région parisienne, un à Montpellier et un autre à Perpignan) 

avec une équipe composée de géographes, sociologues et architectesurbanistes. 

Les recherches ont un double point de départ. Dans un premier temps, 

les résidents concernés par la démolition évaluent les risques associés au 

délogement et au relogement. Ainsi les auteurs de cette recherche ont 

voulu explorer les relations entre rénovation urbaine et citoyenneté en 

appréhendant cette dernière comme ensemble de pratiques plurielles, 

visibles ou moins visibles, d’engagement individuel et collectif dans la 

37


cité. Ces pratiques se développent dans des lieux attestant déjà d’une 

implication sociale autour des associations ou de formes plus verticales 

de structuration sociale (amicales). Ces pratiques surgissent aussi de 

façon plus inattendue à partir des réseaux sociaux existant ou dans des 

lieux et temps de sociabilité non programmés. 

Le sens de l’engagement prend alors diverses acceptions. Car la 

citoyenneté urbaine apparaît sur des substrats préexistants de solidarité 

et d’organisation sociale qui sont examinés sur chacun des « terrains » 

étudiés. Les formes de citoyenneté urbaine renouvellent le lien citadin 

voire républicain en créant de la compétence à agir et de la compétence 

politique chez une partie des résidents, d’ordinaire volontiers 

déconsidérés. Elles sont marquées par une capacité à s’inscrire dans la 

durée, à faire surgir un nouveau vocabulaire permettant l’expression du 

désarroi ou de conflits surgis à l’occasion de l’annonce ou au cours de 

la rénovation urbaine. Par delà les dispositifs de concertation absents 

ou alibi, l’engagement des citadins ouvre la voie à la fabrication d’outils 

pour être mieux entendu mais aussi pour pouvoir identifier la nouvelle 

teneur des enjeux urbains et institutionnels portés par la rénovation 

urbaine. 

Le premier temps de l’engagement est d’abord analysé à partir de 

la capacité critique des acteurs locaux, résidents, militants locaux, 

travailleurs sociaux, personnes engagées localement. L’analyse du 

matériel collecté (entretiens, réunions, interactions quotidiennes) 

permet d’identifier trois thématiques clés sur lesquelles s’enracinent la 

critique et la production discursive des acteurs : les craintes et difficultés 

éventuelles liées au relogement, la contestation des orientations du 

projet urbain (et notamment le projet de démolition), les carences 

ou enjeux d’amélioration de l’information et de la concertation. La 

citoyenneté urbaine est ainsi prise comme la construction d’un univers 

de références donnant sens à un horizon d’incertitudes résidentielles 

et d’une peur très tangible de la perte des repères sociaux. A partir 

de cet univers partagé, qui se forge dans l’engagement, des citadins 

au départ peu familiers des techniques du projet urbain et de la 

38


thématique du relogement parviennent à se forger une opinion, la 

fonder, la transformer en arguments et de partager des interprétations 

communes sur le devenir du quartier. Ils apprennent aussi à développer 

un argumentaire qui hiérarchise les priorités, en mettant au centre de 

la revendication la concertation, qu’elle porte sur le projet urbain ou 

non. Ainsi l’engagement se base sur une posture critique qui tente 

de ménager les voies d’un dialogue en dépit de la vulnérabilité des 

positions sociales et économiques des acteurs. Le vocabulaire de la 

reconnaissance devient alors important, il transcende le sentiment 

fréquent de mépris et de mise à l’écart porté par la plupart sur leur 

situation, il dépasse le sentiment de discrimination pour forger une 

revendication de justice qui dépasse le strict registre défensif et appelle 

à la co-production de la transformation de l’environnement urbain. 

Masquant souvent les enjeux de la rénovation urbaine, les problèmes 

de gestion et d’entretien du parc de logements et de l’environnement 

rentrent en ligne de compte pour désigner un idéal de l’entretien mais 

aussi de la moralité et du vivre ensemble. Le binôme justice/injustice 

agit également comme marqueur significatif du jugement des principes 

d’action qui permet d’incarner l’insécurité résidentielle en ressource. 

Quelles sont alors les conditions d’énonciation du conflit et du déficit 

de confiance entre résidents, bailleurs et équipe opérationnelle ou 

municipale et comment peuvent-ils déboucher sur un renouvellement 

des formes de citoyenneté dans des grands ensembles doublement 

marqués par une fragilisation sociale et un fort abstentionnisme ? 

La citoyenneté urbaine est une dynamique, avec ses moments 

de construction commune, voire de mobilisation et ses périodes 

d’essoufflement. Sa mise en œuvre obéit à de nombreux paramètres 

dont les configurations socio-économiques locales, le rapport initial et 

local entre gouvernants et gouvernés. La rénovation urbaine est donc 

appréhendée en tant qu’évènement mobilisateur ou épreuve qui ne se 

traduit pas toujours par ce socle d’engagement marqué au premier chef 

par une capacité critique. Les études de cas montrent aussi quels sont 

les acteurs, les vecteurs et les circonstances des mobilisations ainsi que 

39


les conditions de leur maintien dans le temps. Certaines localités voient 

ainsi émerger des individus qui prennent en charge la vulnérabilité pour 

forger un rapport de forces et une crédibilité locale. Ces personnesressources 

sont souvent issues du tissu associatif préexistant mais 

également parfois des institutions telles que les centres sociaux. Alors 

que, d’une manière générale, les amicales de locataires vivent une 

crise de l’engagement, la contestation de la rénovation urbaine permet 

dans certains secteurs de renouveler les temps de la mobilisation, les 

personnes impliquées et de réveiller un intérêt pour le thème du vivre 

ensemble et du logement. 

On observe aussi le développement de formes inédites de mise en réseau, 

local et trans-local entre associations de locataires ou de résidents, autant 

d’éléments décisifs dans la construction de la citoyenneté urbaine. Il est 

dès lors possible de voir comment l’attachement à la cité, la construction 

de groupe, la communauté ou d’autres liens forts tels que le voisinage 

constituent une forme d’ancrage participatif redonnant une existence 

sociale et une expression politique à des individus qui ont pu se sentir 

dépossédés. Sont alors observées les expressions les plus singulières de 

ces transformations sociales et de ces domaines de revendication: la 

réactivation de solidarités intergénérationnelles; jeunes se mobilisant 

en lieu et place des « anciens », la place déterminante des femmes dans 

la revendication de parole publique dans les lieux de délibération et 

dans les lieux de fabrication de la citoyenneté au quotidien. 

Outre l’apparition de nouvelles formes de légitimation des acteurs 

engagés par les élus et professionnels de l’urbain, ces lieux institués 

et ces espace-temps non encadrés de la citoyenneté urbaine issus des 

engagements contre la démolition ou pour un traitement territorial 

plus équitable deviennent pour certains des occasions de propositions. 

Les ajustements et mises en doute de certains aspects controversés 

des programmes de rénovation urbaine tentent de maintenir la 

mobilisation, la vigilance et l’intérêt des citadins par rapport aux 

aspects de la rénovation urbaine davantage passés sous silence, tels que 

la résidentialisation, l’emploi, l’accès aux équipements. 

40


Le présent rapport analyse les conditions auxquelles les échelons 

décisionnels, incluant les citadins, parviennent à trouver un terrain 

d’accord et les éléments susceptibles de contribuer à une fabrication 

coopérative de la ville à venir notamment dans les grands ensembles 

fragilisés. Dans l’ensemble de ce rapport, les monographies portent sur 

des sites concernés par le Programme national de rénovation urbaine 

autour de ses principes de diversification de l’habitat et de mixité 

sociale. Les quatre modes opératoires utilisés dans chaque programme 

ou opération de rénovation urbaine sont diversement mobilisateurs 

localement, mais on voit aussi émerger des temporalités variées de la 

mobilisation. Ainsi, l’opposition à la démolition « non concertée » renvoie 

à temps collectifs forts portant, la réhabilitation de son côté donne lieu 

dans nos cas d’étude à des temps de mobilisation plus partenariaux 

redonnant parfois de la vigueur à l’échange avec les décideurs et 

les bailleurs. Finalement, parmi ces quatre modes d’intervention 

privilégiés par les PRU, le premier d’entre eux, la démolition de 

logements sociaux a particulièrement retenu notre attention car elle 

provoque une mutation radicale des horizons résidentiels et sociaux 

d’une partie des résidents. Le second d’entre eux, la reconstruction, 

est porteur d’espoir de renouvellement social et de mobilité mais aussi 

de désenchantement. En tant que troisième élément de la rénovation 

urbaine, la réhabilitation s’est progressivement imposée comme un 

thème important de l’analyse. L’observation des enjeux résidentiels et 

sociaux autour de la réhabilitation souligne bien en effet les enjeux de 

citoyenneté locale, d’enracinement et de mobilisation pour la qualité. 

Enfin, le quatrième, la résidentialisation fait l’objet d’interprétations 

diverses auprès des résidents qui doivent avant tout faire s’ajuster à 

l’ensemble des changements prévisibles ou encore incertains dans leur 

secteur de résidence. 

Dans ces quartiers, la citoyenneté politique dans son acception 

républicaine classique est mise à défaut par le faible nombre d’électeurs 

mais aussi par l’abstentionnisme. Ce cadre est bouleversé par la 

rénovation urbaine qui, dans certains secteurs, a permis de voir 

41


surgir et se consolider une attention des citadins au projet urbain, 

une compétence critique vis-à-vis des dogmes tels que la mixité 

sociale, des engagements variés dans des pratiques urbaines locales ou 

quotidiennes. A rebours d’une conception de la concertation par le biais 

de dispositifs institués, qui dans nos cas d’étude sont peu opérants, la 

citoyenneté peut être également abordée en tant que forme d’expression 

plurielle du politique par le bas. La citoyenneté urbaine traduirait alors 

les formes d’adhérence entre des citadins et des territoires dans une 

visée d’amélioration du bien commun et d’engagement –individuel ou 

collectif- pour la collectivité ou pour rétablir une forme de justice mise 

en crise par les politiques publiques ou l’aménagement urbain. 

42


Ressaisir la citoyenneté 

aux bords du politique 

Expériences marginales et expériences instituées de 

participation politique à l’épreuve des projets de rénovation 

urbaine dans trois pays : Catalogne, France et Québec 

Rémi Eliçabe, Amandine Guilbert, Anne-Sophie Haeringer, 

Yannis Lemery, Laetitia Overney, Groupe Recherche Action 

(GRAC), association loi 1901, Lyon, octobre 2009, 182 p., bibliogr. 

PUCA 1164 

Quelles sont les formes d’expression et d’action politiques d’acteurs 

qui, institutionnellement, n’ont pas part à la chose publique, parce que 

considérés comme incapables de contribuer à la définition du monde 

commun. ? 

« Simples habitants », « marginaux », « militants radicaux », « migrants 

en situation irrégulière »… toute une foule d’acteurs réputés en partie 

incompétents ou invisibilisés dans le champs des dispositifs de la 

politique classique, mais qui pour autant participent à la transformation 

des usages de la ville. Il s’agit ainsi de s’intéresser à un ordinaire de 

la politique, autrement dit à des expériences qui ne se donnent pas à 

voir dans des lieux labellisés comme politiques, à des formes de lutte 

et de critique déployées aux bords du politique pour faire pièce aux 

grands projets d’aménagement définissant un processus massif de 

métropolisation des espaces urbains contemporains. 

Il ne s’agit pas en effet seulement de décrire l’intelligence et l’inventivité 

dont font preuve les acteurs pour s’occuper de leurs problèmes et de 

ceux des autres, mais de prêter attention à la manière dont la politique 

43


fait effraction, mettant ainsi en cause le cours ordinaire des choses. 

L’enquête s’est focalisée particulièrement sur des entreprises de 

radicalisation politique : expression d’une critique radicale des processus 

de gentrification mettant à mal les quartiers perçus comme milieux de 

vie ; mais également mises en actes, mises en gestes de cette critique. 

La saisie de cette composition entre logiques d’ordinarisation et de 

radicalisation de la politique, qui peut passer en particulier par le 

brouillage de la disjonction entre la figure de l’habitant et celle du 

militant a constitué un des principaux enjeux de l’enquête. En termes 

méthodologiques nous avons procédé principalement par observations 

et entretiens, dans une perspective d’inspiration pragmatique et 

microsociologique, visant à décrire les formes politiques qui s’inventent 

à même le cours ordinaire des choses. Six terrains ont été explorés 

sur ce mode : à Montréal (analyse des formes et enjeux de l’Opération 

Populaire d’Aménagement et du projet de Centre Social Autogéré du 

quartier Pointe Saint-Charles), à Barcelone (retour principalement sur 

les initiatives politiques en lien avec l’occupation de Magdalenes), à 

Toulouse (où l’enquête s’est centrée autour du lieu occupé des Pavillons 

Sauvages), à Marseille (travail de recensement et de description des 

acteurs impliqués dans la remise en cause publique des opérations 

de rénovation du centre ville et en particulier du projet Euromed). 

Sur un mode plus mineur, nous nous sommes intéressés aux séries 

d’occupations qui ont donné une consistance au mouvement squat 

à Saint-Etienne, et aux formes d’affirmation politique d’une vie de 

quartier notamment sur les pentes de la Croix Rousse à Lyon. 

Contre-politique de la ville 

Sur l’ensemble des terrains, les collectifs rencontrés déploient un 

travail de remise en cause publique des politiques de réaménagement 

urbain. Cette critique se manifeste par toute une production 

« documentaire » : fanzines, mémoires, textes d’analyse diffusés sur 

Internet, détournements de bulletins d’information municipaux. Ces 

documents manifestent l’affirmation d’une contre-expertise. 

Mais il s’agit aussi de passer de la critique au contre-projet. Ces 

44


expérimentations peuvent prendre des tours extrêmement formalisés, 

comme c’est le cas à Montréal où l’Opération Populaire d’Aménagement 

(OPA) entreprend de répondre terme à terme, et quasiment sur le même 

plan, aux projets de la municipalité et des grands promoteurs privés. 

Se dessine la figure du/de la « citoyen(ne) en mode proposition » qui 

combine les attachements et la connaissance intime du quartier que l’on 

prête au « résidant » avec une capacité à faire entendre et reconnaître 

des propositions par les pouvoirs publics (capacité classique du citoyen 

argumentant de manière raisonnée et raisonnable), en sollicitant des 

experts, essentiellement des architectes, instruments au service des 

résidants. 

De la politique mise en lieu 

Les contre politiques de la ville engagent des prises de territoire et 

l’ouverture de lieux spécifiques, souvent dans les interstices de la 

métropole (occupation et transformation de friches industrielles, de 

bâtiments ou d’immeubles inoccupés, laissés à l’abandon). Ces lieux sont 

de ce fait directement concernés par les politiques de requalification. 

Leur défense peut passer par des mobilisations qui donnent à voir et font 

valoir une autre conception de l’ordre urbain, non moins logique, non 

moins experte que celle défendue par les aménageurs institutionnels. 

Ces lieux spécifiques font preuve d’une ouverture radicale à la 

contingence. Pour les acteurs rencontrés, « ouvrir un lieu c’est ouvrir 

des possibles », autrement dit créer une disponibilité à l’événement, aux 

rencontres imprévues et redéfinir de là les formes et les enjeux de la 

politique. C’est ainsi que dans le cas des Pavillons Sauvages à Toulouse, 

une ancienne caserne occupée par des précaires depuis l’été 2007 pour 

répondre à des problèmes immédiats de logement et tenter d’enrayer 

certaines dynamiques urbaines à l’œuvre dans le quartier alentour 

(gentrification, aseptisation, résidentialisation), une reconfiguration 

progressive du lieu s’est opérée dans le sens d’une ouverture complète 

sur le quartier, avec notamment ses jardins qui sont en permanence 

ouverts sur la rue. Et de là, pour tous les acteurs rencontrés, la magie 

opère, une multiplicité d’activités se combinent, des temporalités se 

45


télescopent de sorte que le lieu se trouve saturé de sens et d’initiatives, 

à la fois square écologique, salle de concert, lieu associatif, espace 

de vie collective, centre social informel, accueil de jour, logements 

improvisés… 

L’ouverture c’est la condition pour définir un espace d’apprentissage 

« de la liberté », le lieu d’une émancipation qui engage dans un deuxième 

temps une critique politique « du capitalisme et des aberrations du 

système ». Les Pavillons Sauvages, comme haut lieu, présentent cette 

étrange fonctionnalité : redimensionner la ville, et permettre une 

politisation non plus sur le mode de la montée en généralité mais plutôt 

de proche en proche. 

Dynamiques des engagemements 

Un certain nombre de compétences acquises dans le parcours des 

militants se trouvent réinvesties dans l’action au sein des quartiers 

ou en lien avec les luttes. Il s’agit, d’ouvrir des espaces expérimentaux 

mais en plein air, où mettre en pratique et diffuser ces compétences. 

Tous ces savoirs faire et ces pratiques sont engagés également dans 

le cadre des luttes locales (à Barcelone ou à Montréal), des temps de 

mobilisation qui reconfigurent les attachements entre les différentes 

entités du quartier et constituent des temps forts, des expériences 

marquantes pour les « habitants » comme pour les « militants ». 

Pour tous les acteurs des collectifs que nous avons rencontrés, 

l’expérience politique n’est pas dissociable d’une expérience quotidienne 

qui se forge dans la fréquentation d’un espace partagé : l’ordinaire de la 

vie de tous les jours, le chez-soi, la rue, la place d’à côté. 

En vertu de ces dynamiques spécifiques, les radicaux sortent des codes 

imposés, des évidences de la radicalité voire de leur folklore, pendant 

que les habitants retrouvent une force de proposition, une voix, une 

capacité d’énonciation et même plus une intelligence des processus 

urbains qui leur était niée dans les dispositifs institutionnels. 

46


Certaines expériences sont des configurations hybrides de critique 

radicale du rôle des pouvoirs publics dans les processus de métropolisation 

des espaces urbains et de rapports stratégiques avec l’institution 

(soit directement, soit du fait de leurs jeux d’alliances avec des partenaires 

proches du monde institutionnel). On peut parler d’un processus 

croisé d’ensauvagement des institutions (une municipalité se met 

à procéder à tâtons, sur le mode de la zone grise sans formaliser ou 

officialiser son action ) et de domestication de l’expérience sauvage (net 

renforcement de la part instituée et du poids des associations notamment, 

normalisation relative de ses habitants, etc.). 

Tout le dilemme repose sur le problème délicat de l’étayage de ces 

formes innovantes, du type d’accompagnement institutionnel pour 

« l’aventure » en cours et sa dynamique collective, ou encore sur les 

modalités de mise en place d’une « démocratie participative » qui 

permette de consolider les expériences risquées sans les normaliser tout 

à fait et dès lors réduire justement leur puissance d’innovation et leur 

charge d’effraction. 

Prendre au sérieux le motif de la « citoyenneté urbaine » sur tous ces 

sites a impliqué de ressaisir comment la qualité politique des acteurs se 

trouve mise à l’épreuve différemment sur chaque terrain, en fonction 

des expériences de la ville qui s’y trouvent spécifiquement mobilisées. 

Au terme du travail, il est possible de mettre en évidence trois grands cas 

de figure de la citoyenneté. Dans le premier cas, la citoyenneté urbaine 

renvoie à des formes de participation politique communautaires, 

stabilisées dans l’activité de groupes spécifiques (associations de 

« vecinos », groupes communautaires, associations de quartier). Le 

second cas de figure renvoie au motif d’une citoyenneté incarnée, une 

citoyenneté inséparable d’une sociabilité urbaine spécifique (celle 

de la place du marché, de la vie de quartier) et qui emprunte à des 

grandes formes tutélaires, à toute une généalogie démocratique (depuis 

l’agora grecque jusqu’aux formes de démocratie directe des conseils 

ouvriers…). Dans le dernier cas de figure, la citoyenneté fonctionne 

comme une figure repoussoir, à déborder, pour précisément retrouver 

47


des prises pour l’action politique, là où les dispositifs classiques de la 

participation semblent tourner à vide. Cette posture correspond aux 

modalités d’un engagement politique radical, qui déborde les médiations 

institutionnelles et tire de là son efficace ou son sens politique. 

La pertinence analytique du concept de citoyenneté urbaine se trouve 

brouillée du fait de ces variations ; mais cette notion présente l’intérêt 

de faire porter une charge problématique quant au couplage liant les 

deux ordres de la citoyenneté et de l’urbanité, couplage qui est au centre 

des opérations engagées par les acteurs pour définir les contours d’une 

autre politique de la ville à partir d’usages contrevenants ou polémiques 

(la récup’ sur les marchés contre l’hygiénisation et la mise aux normes 

systématique de la vie publique, le vélo contre le « tout voiture », les 

rassemblements festifs ou oisifs contre le flux productif). 

Ces formes de participation et d’expressions publiques, toutes locales ou 

situées qu’elles soient, prennent en charge des grands enjeux politiques 

ou en tout cas souscrivent à certaines grandes déterminations qui les 

instituent en phénomènes politiques à part entière, leur confèrent une 

valeur indéniablement politique. 

48


Une citoyenneté aux multiples 

visages territoriaux 

Patrick Gonin, Nathalie Kotlok, Arezki Harkouk, Semba 

Yatera, Barbara Bertini, Marielle Cartiaux, Stéphanie Lima, 

Rafael Ricardou. GRDR – Migration, Citoyenneté, Développement 

avec Migrinter, avril 2010, 120 pages, bibliogr. 

PUCA 1247 

La recherche a été mise en œuvre conjointement par un laboratoire de 

recherche, Migrinter à Poitiers et une ONG intervenant en matière 

de développement et d’ingénierie sociale, le GRDR (Migration, 

Citoyenneté, Développement), dont le siège est à Montreuil. Le 

principal objet de cette recherche porte donc sur les associations de 

migrants et de jeunes d’ascendance immigrée, leurs actions ainsi que les 

modes d’intervention mis en œuvre en leur direction par les opérateurs 

privés et les pouvoirs publics, Etat et Collectivités Territoriales dans 

les territoires pour lesquels ils s’impliquent, en France comme dans le 

bassin du fleuve Sénégal, leur région d’origine. L’étude a été menée à 

partir d’un corpus composé d’entretiens, d’observation participante, de 

discussions collectives, d’analyse de documents d’archive auprès des 

partenaires (leaders associatifs en migration et de retour) et salariés du 

GRDR, opérateur d’appui des associations dans leurs dynamiques de 

développement local et d’insertion en France, au Mali, au Sénégal, en 

Mauritanie et en Guinée Bissau. 

Cette recherche s’inscrit dans les travaux actuels menés sur les migrations 

internationales. qui considèrent les migrants comme des acteurs, ils 

ne subissent pas leur migration, mais interagissent là où ils vivent en 

49


puisant dans des ressources ; et notamment celles que procurent les 

circulations entre les différents lieux de vie qu’ils pratiquent. 

A l’origine, c’est-à-dire durant la période 1960-1970, cette migration 

était principalement constituée de paysans originaires des campagnes du 

Sud venus s’installer dans des villes du Nord pour pallier au manque 

de main-d’œuvre et devenir ouvriers des industries et du BTP. Suite 

à la fermeture des frontières en 1974, à une migration temporaire de 

travail se substitue une migration de peuplement ayant pour corollaire, le 

regroupement familial et les naissances des enfants en France, renforçant 

ainsi le caractère urbain de leur installation. L’engagement associatif est 

en direction des régions d’origine (au Sud, principalement des villages 

sahéliens), mais aussi plus récemment dans les zones d’installation au 

Nord (les quartiers et cités). En effet depuis bientôt 50 ans, ces personnes 

absentes de leur village d’origine, ont financé des projets de nature les 

plus diverses : des groupements, coopératives ou magasins d’achats, des 

banques de céréales, des dispensaires ou des cases de santé, elles ont 

permis la construction d’écoles, des périmètres irrigués ou des jardins 

maraîchers. Ces populations ont aussi investi collectivement dans 

l’amélioration des systèmes de communication (radios rurales, téléphonies 

satellitaires). Elles ont plus récemment aussi lié leurs interrogations en 

matière d’insertion en France sous « la pression » des enfants nés et ou 

vivant en France à celle d’un développement local de leur village d’origine 

ou de celui de leur(s) parent(s). 

L’engagement des associations issues de la migration subsaharienne 

produit de la « citoyenneté active », dont les formes d’expression ne sont 

pas conditionnées au statut juridique mais relèvent de l’engagement 

des initiatives multiples permettant l’échange, le dialogue, le lien 

social voire la coopération notamment sous des formes locales. Cette 

citoyenneté n’en demeure pas moins « extraordinaire » par son caractère 

transnational et par ses croisements, télescopages et interactions avec 

d’autres formes de citoyenneté, d’autres configurations territoriales, 

notamment urbaine. Cette citoyenneté urbaine entre alors en tension 

avec des appartenances à un monde rural quitté mais jamais abandonné. 

50


Le migrant international est considéré comme un acteur dans sa 

volonté de mobilité. Cette volonté de mobilité n’est ni « subie », ni 

« choisie », elle est faite de multiples déterminants qui constituent le 

projet migratoire dont les objectifs évoluent au fil du temps en fonction 

des « possibles » mais aussi des contraintes. Pour répondre aux propos 

des différents interlocuteurs au Nord dans les cités ou quartiers de la 

région parisienne, au Sud et principalement au Mali et en Mauritanie, 

au cœur du « pays » historique des Soninké, ces projets des migrants 

traduisent des engagements pour un « mieux être ». Ils se plaisent à 

signifier qu’ils sont actifs pour assurer le développement de leurs 

lieux de vie, comme si leur origine africaine et leur séjour prolongé en 

France les poussaient sur ce terrain des paradigmes occidentaux dont 

l’ouvrage de Gilbert Rist publié en 1996, Le développement, histoire d’une 

croyance occidentale, donne une illustration. Ainsi la migration est vécue 

comme un investissement que le migrant à la charge de rentabiliser. 

Difficile dans ces conditions d’échapper aux transferts de fonds, 

reflets de contraintes autant que de volonté personnelle. Les avantages 

acquis en migration ne sont donc pas uniquement personnels, ils sont 

redistribués afin de pouvoir s’acquitter de la dette et ne pas être oublié 

des siens malgré l’absence physique. 

Une des particularités des migrations internationales est d’inscrire ceux 

qui les pratiquent dans des lieux discontinus mais irrémédiablement 

interconnectés. La dichotomie entre émigré/immigré, pays de départ/ 

pays d’arrivée devient dépassée au fil des propos et des mots pour 

dire les migrations internationales. Chaque migrant se fabrique son 

espace migratoire personnel. A la fois unique tout en se rattachant à 

une construction sociale, comme une obligation pour survivre et vivre 

là où le migrant s’installe définitivement ou provisoirement. Chaque 

migrant se construit ses conditions spatiales d’existence et cherche à 

composer avec elles : entre la chambre exiguë et partagée en foyer 

de travailleur en région parisienne et la nouvelle maison à étages 

construite au village, se manifeste une forme de pluri-appartenance 

mêlant urbain et rural. Pour les migrants, le lieu de vie en France ne 

51


peut être cantonné à un cadre de localisation mais permet la mise en 

place d’un processus de construction de ressources (partenariales, 

financières, idéelles, matérielles…) qui seront ensuite mobilisées dans 

les actions dites de « co-développement ». 

Cette recherche dépasse l’idée selon laquelle l’ancrage territorial en 

tant que communauté de destin entre la population et son territoire 

s’opposerait à la mobilité. Même si l’ancrage territorial quand il devient 

une contrainte peut produire « une assignation à résidence », ancrage 

et mobilité ne sont pas pour autant antinomiques. La réversibilité de 

l’engagement territorial permet justement de dissocier les trajectoires 

individuelles et collectives des devenirs des territoires. C’est bien en 

s’impliquant dans les actions sociales des collectivités territoriales du 

Nord, que certains migrants ont réussi des opérations de coopération 

entre territoires du Nord et du Sud. C’est à partir d’une idée forte : 

« nous voulons nous intégrer ici pour mieux aider là-bas » que les ateliers 

de l’intégration des Africains d’Aubervilliers auxquels vont participer 

plus d’une vingtaine d’associations de ressortissants d’Afrique de 

l’ouest mais aussi d’Afrique centrale et des Comores ont vu le jour. Des 

ateliers de discussions établissent des diagnostics sociaux en associant 

des techniciens des services municipaux, des leaders associatifs et des 

élus. De ces rencontres et interventions de migrants dans les écoles, 

du partage des connaissances des cultures est née la coopération 

décentralisée entre Aubervilliers et Boully en Mauritanie. 

Ces formes de liens, de gestion des distances spatiales et symboliques 

ont été représentées en empruntant à la fois à la géométrie et à la 

grammaire, projetées dans le plan et dans les systèmes syntaxiques. Elles 

se déclinent en translation, conjonction et élargissement. Dans chacune de ces 

configurations, les échelles s’entremêlent, du local à l’international, en 

passant par le national qui malgré tout demeure problématique. Cette 

« citoyenneté » est donc à des échelles multiples, tout comme celles 

des identités. Les discours des primo-arrivants à ce sujet semblent en 

effet être autant de processus thérapeutiques pour élaborer le deuil et 

ou faire preuve de résilience : dans un cas comme dans l’autre, il s’agit 

de faire l’autopsie de la « coupure », de la « rupture » et de formaliser 

52


soit le déchirement soit la recomposition de leur espace migratoire. 

L’engagement personnel dans des actions collectives est aussi une 

forme de thérapie pour relier des temps, des lieux et des histoires de vie 

qui se télescopent parfois harmonieusement, parfois dans le désordre. 

La pression « morale » sur l’absent, la dette à payer vis-à-vis de ceux 

qui sont restés au pays et surtout pour « les siens » se traduisent par le 

besoin d’investir dans des projets de solidarité pour le pays d’origine : 

le « co-développement » est le prix à payer, la monnaie d’échange de 

la paix sociale. La question de la reconnaissance, déclinée sur tous 

les territoires en jeu, devient cruciale. Mais le « co-développement » 

dont nous rendons compte est aussi du développement partagé qui 

valorise les mobilités, les échanges, les migrations. Son contenu diffère 

des politiques publiques qui emploient le même terme où ceux de 

« développement solidaire ». Celui porté par les migrants subsahariens 

depuis bientôt cinquante ans se façonne au gré des solidarités, renforce 

les compétences des porteurs de projets, contribue à façonner une 

autre voie de la coopération entre les territoires des Nord et des Sud. 

Il valorise l’engagement de ceux qui, ici, sont discriminés, assignés 

aux périphéries des villes et contribue à rompre les clôtures sociales 

et spatiales, voire les « assignations à résidence » d’une fraction de la 

population vivant en France. Des ateliers de « couture » sont à l’œuvre, 

l’objectif étant de construire un espace migratoire unique et cohérent, 

il devient possible par des ancrages multiples dans les territoires de vie. 

La transition s’applique aux associations « issues des migrations », elle 

rend compte de configurations territoriales qui se disent sur le mode du 

transfert de personnes ou d’éléments d’un lieu à un autre, matériellement, 

symboliquement. La relation s’établit dans les deux sens de circulation 

entre les deux territoires de leur espace de migration. Elle permet de 

décrire les liens qui s’instaurent à l’origine pour conserver une unité 

dans la communauté, par-delà la distance spatiale et temporelle. Elle se 

structure en « villages-bis », des associations de migrants et de parents 

migrants originaires d’un même village, d’une même commune, voire 

à des échelles nationales et sous-régionales à l’instar du Réseau des 

53


Associations Mauritaniennes en Europe. Le lien par translation, 

conjugué à un certain élargissement dépasse les catégorisations 

« hantées par le communautarisme ». Même si certaines d’entre elles se 

sont constituées dès les années 1970, ces associations, souvent qualifiées 

de développement, ont acquis une légitimité en 1981. Avec l’extension 

de la loi de 1901 aux étrangers, les ancrages multiples deviennent 

visibles par la reconnaissance institutionnelle. Communauté villageoise 

reconstituée à l’échelle locale, le territoire investi dont on perçoit les 

limites, est historiquement les foyers avant de s’élargir aux cités dans 

le cadre du regroupement familial. Les jumelages, puis les accords de 

coopération décentralisée (loi de 1992) continuent de renforcer ces 

ancrages. L’exiguïté de ce territoire n’est supportable que parce qu’en 

parallèle co-existe un autre territoire quitté par choix ou par contrainte 

et pour lequel ils vivent en France. C’est dans ce lien que se construisent 

les relations sociales en fonction de solidarités familiales, d’amitiés et 

d’intérêts. C’est dans ce lieu que le « là-bas » est continuellement présent 

par l’activation des relations avec la famille grâce au téléphone, aux 

départs et aux retours d’un d’entre eux, aux nouvelles qu’ils rapportent, 

à l’organisation des caisses de solidarité, des transferts d’argent… Ce 

champ des solidarités de proximité construit le continuum social entre 

ici et là-bas malgré la distance métrique entre les lieux de vie. 

La conjonction des territoires se distingue de la translation dans l’idée de 

définir un dénominateur commun à plusieurs espaces, à partir duquel 

et avec lequel travaillent les associations « issues des migrations » dans 

leur gestion de la distance. Une même échelle administrative locale 

peut ainsi être une courroie de transmission entre les territoires pour les 

associations. La coopération décentralisée entre collectivités territoriales 

est une manière pour les migrants de participer à un lien qui s’établit au 

niveau de leurs municipalités, de leurs régions, de leurs départements 

ou communautés de communes. Dans cette configuration les migrants 

s’installent dans une nouvelle posture : celle de « facilitateur » pour plus 

d’échanges entre « ici et là-bas ». Cette conjonction concerne également 

la relation entre les espaces ruraux et urbains, elle s’est cristallisée dans 

54


les mémoires des membres d’associations sur le centre de formation 

agricole que le GRDR a géré jusque dans les années 1990 en Seine-et- 

Marne, à Ecoublay, lieu emblématique pour l’histoire institutionnelle, 

mentionné à maintes reprises dans les entretiens et débats où des 

membres du GRDR étaient présents. 

Déjà présente dans la translation jusqu’à l’échelle continentale, et dans 

la conjonction par un espace-relais, la stratégie de l’élargissement met en 

relation le système migratoire établi entre bassin du fleuve Sénégal et 

France avec d’autres espaces. Par exemple, une entrée thématique à 

laquelle est confrontée une association peut amener à une mise en réseau 

au niveau mondial. C’est le cas pour l’Association des Ressortissants de 

la commune de Sadiola en France (ARCSF). Concernée par l’installation 

d’une société d’exploitation qui extrait l’or du territoire de la commune, 

l’association a pu porter le débat à propos d’enjeux environnementaux 

et sanitaires au niveau international. 

Dans les trois configurations spatiales par lesquelles les associations 

« issues des migrations » établissent du lien entre les territoires, dans les 

« formes locales de citoyenneté transnationale », une échelle n’apparaît 

qu’en creux : celle du national. Qu’il s’agisse de représentations 

statutaires de la citoyenneté, dans la lutte des collectifs de sans-papiers, 

et / ou de représentations normatives, par exemple dans la relation 

des habitants d’un foyer au quartier dans lequel il se situe (et encore, 

il s’agit d’une échelle locale), le rapport aux définitions françaises de la 

citoyenneté cristallise les tensions que les associations veulent dépasser 

par leurs actions. 

Cette déclinaison en translation / conjonction / élargissement et le « local », mis 

en lien par la circulation migratoire, dépend malgré tout des politiques 

nationales. Dans ce contexte de multiples territoires, cette citoyenneté 

mise en avant est véritablement celle des formes d’engagement. C’est 

par le faire, l’agir dans le processus de développement local que 

se traduit la participation des migrants à la vie de la communauté 

dans les villages du bassin du fleuve Sénégal. Par répercussion, les 

55


partenariats mobilisés en France, et plus généralement les contacts 

noués les impliquent pleinement dans le jeu d’acteurs de la solidarité en 

France. Cette dimension active de la citoyenneté n’en reste pas moins 

confrontée à des injonctions normatives notamment dans la définition 

des registres « autorisés » et/ou préconisés de la participation, qui 

deviennent un enjeu de pouvoir et de reconnaissance. La perception de 

« ce que c’est qu’être citoyen » n’est pas teintée des mêmes connotations 

dans les deux lieux, et ne mobilise pas toujours les mêmes acteurs que 

ceux qui travaillent sur « ce que c’est qu’agir en tant que citoyen ». Cette 

distinction permet de saisir ce qui relève des dimensions juridique et 

normative de la citoyenneté, les papiers, le vote… (être citoyen) et ce 

qui relève de la pratique, de l’attitude ou du sentiment, notamment 

d’appartenance : « attitude civique », « sentiment d’utilité sociale et/ 

ou citoyenne » (agir en tant que citoyen). Ces formes d’engagements 

ont pour conséquence, entre autres, de pointer les ambivalences de 

l’« intégration », par l’expérimentation de modes d’actions qui échappent 

(pour partie) à des catégories et registres d’intervention prescrits. 

Les formes contemporaines de la citoyenneté sont conjointement 

redéfinies par les différents acteurs identifiés : institutions, opérateurs 

d’appui et bien entendu associations de migrants et de jeunesse. Les 

initiatives des migrants, des femmes et des jeunes participent de ces 

redéfinitions, non pas de façon isolée, mais dans les interrelations 

développées avec les autres acteurs. Il faut souligner ici l’importance 

de l’apparition du concept « d’égalité des chances » en France, qui est 

une des formulations des paradigmes actuels de l’action publique. Il 

se distingue du principe « d’égalité des droits » pendant longtemps 

principal fondement du modèle républicain de la citoyenneté. Visant à 

répondre aux décalages constatés entre égalité formelle et égalité réelle 

en induisant des logiques de rattrapage, cette évolution est révélatrice 

des enjeux contemporains liés à la question de « la discrimination 

positive », pour reprendre le titre d’un ouvrage de Gwénaëlle Calvès 

et plus largement de « l’intégration ». Ces enjeux traversent les modes 

d’intervention du GRDR qui se situent fréquemment à un niveau 

56


d’intermédiation entre les acteurs migrants et respectivement les 

dispositifs publics de droit commun et ceux relevant du champ de 

« l’intégration » ou de l’immigration. En effet, les programmes du 

GRDR intervenant dans le champ de l’insertion sont soutenus à 

différents niveaux par les pouvoirs publics, d’une part dans le cadre 

de dispositif de droits communs (Agence Régionale de Santé, Fonds 

Régional de Développement de la Vie Associative du Conseil Régional 

Ile-de-France, Politique de la Ville, Fonds Social Européen) où 

sont privilégiées les entrées territoriales et où les publics cibles sont 

visés et identifiés au regard de leurs situations socioéconomiques 

(publics « précaires », quartiers « prioritaires ») et, d’autre part, dans 

le cadre de dispositifs d’intégration, visant spécifiquement un public 

immigré (Direction de l’Accueil, de l’Intégration et de la Citoyenneté ; 

Programmes Régionaux d’Intégration des Populations Immigrées, 

Fonds Européen d’Intégration). Au regard de cette dualité de l’action 

publique, le GRDR développe une ingénierie consistant à articuler 

expertises thématiques liées à l’immigration et approche territoriale, à 

travers les mouvements associatifs et les dynamiques de développement 

local et de développement social urbain. Une des finalités visée étant 

la reconnaissance des migrants et des jeunes comme acteurs, tant en 

matière d’insertion ou d’intégration qu’en matière de développement 

des pays d’origine. Entre innovation sociale et reconnaissance 

institutionnelle, les initiatives des migrants se distinguent par leur 

caractère pluridimensionnel (articulation des temps de vie, articulation 

des territoires et des échelles, pluralité des domaines d’intervention : 

développement, culturel, social, économique, politique) qui autorise les 

recompositions entre appartenances multiples et formes originales de 

participation citoyenne. 

Les identités citoyennes des agents rencontrés dans les associations 

« issues des migrations » font écho à la tension entre individuation et 

appartenance présente dans la notion de citoyenneté. Le rapport vertical 

entre un individu et l’Etat dans la conception statutaire de la citoyenneté 

en France, qui requiert une capacité à s’abstraire d’appartenances, en 

57


est une composante. Les positions citoyennes adoptées ou tues par 

les membres d’associations que nous avons rencontrés oscillent entre 

la « double absence » mise en lumière par A. Sayad et une double 

présence énoncée de façon volontariste. L’une et l’autre s’interpénètrent 

en permanence, la circulation est continue entre identités ressenties 

et affirmées. La question de la reconnaissance sous-tend, encore une 

fois, les processus en jeu. Selon les profils des membres d’associations, 

l’absence se matérialise de différentes façons. Face à la citoyenneté 

statutaire, l’objet des « papiers », la régularisation est considérée comme 

une étape indispensable pour peser dans l’espace public. La focalisation 

sur ces documents écrits, par lesquels les personnes sont caractérisées 

dans un nom devenu commun (sans-papiers), donne lieu à la constitution 

de collectifs, et participe au premier plan à la remise en question des 

frontières de la citoyenneté. Pour certains primo-arrivants réguliers ou 

régularisés, la question de la nationalité remet en jeu les définitions de 

la citoyenneté statutaire. La configuration d’une famille dans ou hors 

de l’espace national d’installation semble un critère incontournable 

pour l’obtenir. L’appartenance à la communauté nationale par la 

nationalité nécessite une adhésion de la part de plusieurs membres 

de la famille. La détention ou l’obtention d’un statut ne réduit pas la 

charge d’extranéité apposée aux membres d’associations « issues des 

migrations » pour autant. La citoyenneté normative appose le filtre 

d’appartenances ethniques, assigne à certaines identités. L’expression 

« citoyen français à part entière » revient de façon systématique dans les 

discours des enfants nés en France, dont les parents sont originaires 

d’Afrique subsaharienne. Elle traduit une volonté de reconnaissance de 

leur présence ici, en opposition aux normes véhiculées dans lesquelles 

ils ne sont pas reconnus / ne se reconnaissent pas. Les difficultés qu’ils 

rencontrent pour se « nommer » découlent également de leur expérience 

sociale au quotidien, dans laquelle ils sont encore et malgré tout perçus 

comme « ineffablement » étrangers. Ces personnes tentent à la fois 

de classer et d’exprimer les dimensions complexes et diverses de leurs 

expériences, de leurs choix et de leurs positions, ce qui comprend des 

dimensions personnelles et genrées, des identifications attribuées, des 

liens revendiqués avec leurs lieux de naissance et de vie autant qu’avec 

58


celui de leurs parents (ce dernier étant parfois choisi, parfois imposé 

ou fortement suggéré par des adultes). Lorsqu’ils hésitent ou proposent 

une variété de termes (« franco-africain », « euro-africain », « francosénégalais 

», « franco-malien » par exemple), ils essaient de traduire 

simultanément une volonté et un droit à être « différent », et un état de 

fait et un droit à être « égaux ». 

Le GRDR lui-même semble confronté au même type de difficultés, ses 

différents rapports et documents mentionnant « enfants de migrants », 

« immigrés et leurs familles », « jeunes d’origine immigrée » « jeunes 

issus de l’immigration » ou « deuxième génération » ; ces termes révèlent 

le point de vue initial de l’association, partenaire de structures mises en 

place par des parents primo-arrivants. L’évolution de l’accompagnement 

a suivi l’évolution de la migration, depuis les regroupements familiaux 

des années 1970. 

Les migrants subsahariens ont construit leurs conditions spatiales 

d’existence après avoir appris les pratiques des lieux du pays d’accueil. 

Pour survivre ou vivre mieux, ils composent avec elles, mais ils vont 

aussi puiser dans leurs ressources pour favoriser cette installation : il 

s’agit effectivement de faire « sa place » : « En effet, s’interroger sur la 

place des migrants traduit la difficulté qu’ils ont toujours eue à définir 

leur place et à être reconnus à part entière. N’y a-t-il d’ailleurs pas un 

paradoxe à s’interroger sur la place des migrants, eux qui par définition 

se déplacent et sont en constant mouvement? Il s’est agi progressivement 

de prendre sa place, autrement dit d’affirmer et d’assumer une double 

appartenance aujourd’hui qualifiée de « citoyenneté transnationale ». 

Par leurs circulations, les Subsahariens installés en France ont construit 

leur place à leur manière, par de l’engagement et la quête incessante 

d’une ascension sociale spécifique. Etre reconnu là où ils vivent pour 

ce qu’ils font pour l’ailleurs. Cette « lutte des places » est la traduction 

d’une affirmation citoyenne. Sa compréhension oblige à pointer les 

liens entre les espaces discontinus et les dépendances spatiales. 

59


Le migrant subsaharien est donc bien à l’épreuve de l’espace, mais il a à 

sa disposition des ressources qui proviennent de son espace migratoire 

personnel, il cherche à articuler les lieux, le « ici » et le « là-bas ». 

L’expérience migratoire le dote de nouvelles compétences acquises 

dans et par les ressources que lui procurent ses différents lieux de vie. 

Sa spatialité est donc construction, elle est le contenu d’une enveloppe 

normative en perpétuelle redéfinition où il se bat pour exister et être 

reconnu pour ce qu’il fait et est : un circulant engagé qui travaille à 

améliorer ses conditions de vie et celles de ceux qui l’entourent. Cette 

citoyenneté extraordinaire se fabrique par et dans des actions multisituées. 

L’acte migratoire n’est plus seulement rupture ou drame, mais 

il est aussi une ressource positive où expériences et apprentissages se 

transforment en compétences. 

60

Des organisations impossibles ? Vulnérabilités et citoyennetés urbaines 

Des organisations impossibles ? 

Vulnérabilités et citoyennetés urbaines - 

une perspective comparative 

Milena Chimienti, Sandro Cattacin, Mélanie Pétrémont, 

Université de Genève, décembre 2009, 162 p., bibliogr., ann. 

PUCA 1233 

Contribution à une réflexion sur la citoyenneté urbaine, cette étude vise à 

identifier comment des personnes avec peu de ressources économiques, 

sociales et juridiques parviennent à se mobiliser collectivement dans 

de grandes villes. Elle explore les raisons et les formes que prend la 

mobilisation de groupes en situation de vulnérabilité. Elle cherche 

d’autre part à comprendre pourquoi des actions collectives de personnes 

en situation de vulnérabilité, qui, par définition, cherchent à éviter 

l’attention des autorités, se produisent. 

L’étude repose sur deux axes de comparaison. Premièrement une 

analyse comparative de trois types de mobilisation : celle de populations 

migrantes en situation irrégulière du point de vue du séjour, de 

travailleurs et travailleuses du sexe, et enfin de consommateurs et 

consommatrices de drogues illégales. Deuxièmement, l’étude compare 

les mobilisations dans quatre contextes nationaux (ou plutôt quatre 

villes). Ainsi le travail de terrain a été effectué à Paris, Londres, Genève 

et Copenhague entre 2008 et 2009. Il repose principalement sur 

cinquante entretiens semi-directifs menés avec les acteurs et actrices 

de ces mobilisations, des représentants d’organisation de défense de ces 

groupes et quelques entretiens avec les autorités. Ces entretiens ont été 

61


complétés par une analyse de la littérature et de différents documents 

retraçant l’histoire de ces mobilisations. 

Les résultats montrent que ces groupes sont parvenus à se mobiliser 

dans pratiquement toutes les villes étudiées. Les raisons de l’émergence 

de ces mouvements sociaux comprennent plusieurs similarités. 

L’étude montre que, pour que leurs revendications soient traduites 

publiquement dans le cadre d’une action collective, il faut que leur 

situation leur apparaissent suffisamment injuste. Cette injustice est 

fondée, comme l’évoque Hunyadi (2003) sur un contexte objectif (à 

savoir le passage d’une régulation relativement tolérante à une plus 

forte répression) et subjective (le sentiment de déni de reconnaissance). 

Il faut en outre que ces personnes prennent conscience de partager une 

souffrance similaire. Cette prise de conscience (« shared awareness » 

pour reprendre les termes d’Honneth 2005) permet le passage de 

la souffrance isolée, à la colère partagée et enfin à l’engagement qui 

marque l’entrée dans la sphère publique. 

Une fois dans la sphère publique et pour que la mobilisation perdure 

au-delà d’une seule action, un troisième acteur va opérer un rôle 

médiateur entre l’Etat et les mouvements sociaux : le tiers secteurs. 

La coopération avec le tiers secteur comprend des avantages et des 

risques. Cette coopération permet de rendre la lutte des groupes 

légitime et de développer une « résonance culturelle » (Rucht 1994) au 

sein de la population. Mais elle risque également de « discipliner » les 

revendications de ces groupes et ainsi de les atténuer. Nos groupes sont 

parvenus à gérer ces risques de manière inégale. 

Une autre similarité entre ces mobilisations concerne leur caractère 

innovateur et transformateur. Leur agir n’est pas pré-défini et défie 

de ce fait les constituant moraux, sociaux, culturels ou sexuels de 

notre société. C’est pourquoi il s’agit d’« activist citizens » tels que les 

identifie Isin (2008). Par ailleurs, leurs revendications sont d’une nature 

différente. Elles inventent, de ce fait, d’autres « scripts » d’action que la 

62

Des organisations impossibles ? Vulnérabilités et citoyennetés urbaines 

séquence marshallienne qui enchaîne droits civils, politiques et sociaux. 

Les scripts d’action écrits par ces groupes se situent en-deçà d’une 

demande d’égalité ou de reconnaissance (Isin 2008). Les sans-papiers 

revendiquent l’accès au marché du travail, soit un droit existentiel 

de survivre dans une société, même sans autorisation de séjour. Les 

travailleurs et travailleuses du sexe militent pour la normalisation 

de leur activité et les consommateurs et consommatrices de drogues 

demandent à ce que leur style de vie soit reconnu. 

Ces trois mouvements sociaux sont des phénomènes urbains. La ville 

offre à ces populations un espace de liberté pour survivre ainsi que 

les moyens de se mobiliser. Mais la ville est aussi à l’origine de leur 

souffrance, puisque ce sont dans les zones urbaines que le réseau 

d’institutions étatiques opère la répression dont ils sont l’objet (Sennet 

2002). Liberté et contrôle sont donc les moteurs de leur mobilisation. 

63


64



Catherine Chauveaud, Philippe Warin, 

PACTE / Odenore Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, 

octobre 2009, 60 p., bibliogr. 

PUCA 1197 

De l’objectif initial d’étude de l’organisation et du fonctionnement 

d’associations ou de groupes d’habitants créés pour répondre à 

l’isolement individuel et au repli communautaire dans un quartier 

d’habitat social, ce travail débouche sur la conclusion que ces structures 

peuvent agir comme des fabriques de citoyenneté. 

Nées tantôt à l’initiative d’institutions locales, tantôt de la mobilisation 

d’habitants, ces structures ont été créées dans l’intention explicite 

d’éviter les retranchements individuels ou collectifs de personnes qui se 

replient sur elles-mêmes ou s’enferment dans des entre soi jugés stériles. 

Toutes ont pour objectif d’élever les conditions sociales des habitants. 

Partageant une même analyse du quartier, marquée principalement 

par la crainte d’une ségrégation urbaine vue comme une privation 

multidimensionnelle, durable et cumulative de bien-être, ces structures 

visent toutes à endiguer, voire à réduire, l’individualisme qui conduit 

à l’évitement, à la défiance sinon au mépris et à la solitude, et qui 

pousse davantage à la peur et parfois à l’affrontement plutôt qu’à la 

reconnaissance de l’autre. 

Sans se substituer au réseau associatif préexistant, intervenant pour le 

logement, la vie de quartier, la culture, le sport, etc., ni bien entendu 

aux services sociaux ou aux institutions, ces structures produisent des 

65


collectifs, soit des modes d’interactions – situés dans des lieux et des 

activités – qui facilitent la reconnaissance sociale. Elles aident les personnes 

à acquérir ou à reconquérir à la fois une confiance en soi, un respect de soi, 

et une estime de soi. Pour atteindre ce but, elles pratiquent le collectif 

comme un art du détour : elles cherchent à mettre les personnes dans 

des interactions qui leur (re)donnent une socialité, c’est-à-dire une 

capacité à former des liens sociaux. Leur premier apport est donc de 

rattacher les personnes à des appartenances (des gens, des lieux, des 

moments) qui les aident à s’identifier. 

En œuvrant dans ce sens – et c’est là leur second apport –, elles 

produisent aussi de la citoyenneté. Certes, elles n’ont aucune prise 

sur la citoyenneté en tant que cadre normatif (légaliste, politique et 

social) ; par rapport à la citoyenneté vue comme normativité, elles sont 

clairement hors jeu. En revanche, elles ne le sont pas, loin s’en faut, 

dès lors que la pratique de la citoyenneté est dirigée vers la question 

de l’identitaire. L’individualisme contemporain réduit les capacités de 

représentation collective qui transcendent l’intérêt individuel ou les 

représentations identitaires individuelles, si bien que la citoyenneté a 

besoin d’une image et d’une présence forte de l’individu. En se (ré) 

inscrivant dans une socialité, les personnes (re)construisent cette image 

et cette présence. Ce processus joue la fonction correctrice que Jacques 

Donzelot attribue à la citoyenneté urbaine, qui se caractérise, selon lui, 

par un objectif d’augmentation de l’égalité des chances pour prendre 

en compte les défaveurs et enrayer les retranchements dont pâtit une 

partie de la population en raison de sa marginalisation relative dans le 

territoire urbain. 

Dans ces conditions, le « problème » (des retranchements individuels et 

collectifs), la « solution » (des collectifs) et « l’effet recherché » (des socialités) 

posent le cadre d’une analyse de ces structures comme « fabriques de 

citoyenneté » (en terme de reconnaissance sociale). Cette réalité échappe 

pour autant aux institutions qui les soutiennent. Cela peut affaiblir 

leur position face aux associations de quartier construites sur une base 

66


communautaire qui, en poursuivant d’autres logiques, recherchent 

des accommodements qui ne vont pas nécessairement dans le sens du 

processus présenté ici. 

Les apports de ces structures pour les participants sont examinés à 

l’appui d’enquêtes réalisées en leur sein ou à partir d’elles, au travers 

d’observations participantes, d’entretiens et de témoignages. Ces 

enquêtes ont été réalisées à Grenoble dans trois quartiers d’habitat 

social, principalement à la Villeneuve, mais aussi à Teisseire et Mistral. 

Elles permettent de remarquer ce que la fréquentation de ces collectifs 

entraîne comme changements de comportements, pour soi et à l’égard 

des autres. En particulier les effets, tout aussi discrets que nombreux 

sur les capacités des personnes à faire face à leurs propres difficultés, 

sont mis en avant à partir des matériaux accumulés. A de nombreuses 

reprises cette participation en déclenche d’autres et conduit ainsi à 

replacer les personnes dans des groupes actifs, parfois au-delà des 

quartiers. Mais on note aussi, dans bien des cas, que les personnes 

retrouvent leur légitimité à être demandeurs de droits et de services. 

Les collectifs redonnent également confiance et envie de réagir aux 

contraintes subies et aux injustices vécues, et apportent des informations 

et des conseils qui aident à (re)mettre en mouvement une citoyenneté 

sociale active. 

L’exercice de la parole en groupe apparaît comme capital. Dans toutes 

les structures étudiées, l’oralité occupe une place centrale. Elle donne 

à chacun la possibilité de parler de lui. Les échanges d’opinions et 

de croyances, d’expériences et de savoirs, facilitent l’expression des 

individualités ou des singularités. Etre écouté conduit à écouter. Etre 

reconnu comme personne conduit à reconnaître l’autre dans ce qui le 

distingue et le rapproche de soi-même. Tout notre matériau se range 

sous « cette banale vérité » dont parle Tzvetan Todorov, « qu’à s’ignorer soi 

même, on ne parvient jamais à connaître les autres, que connaître l’autre et soi est une 

seule et même chose ». L’intérêt observé de participer à ces structures réside 

donc dans la possibilité qu’elles offrent de dire ce que l’on est, pense et 

vit, et ainsi d’évoluer dans les représentations de soi tout en apprenant 

67


des autres. C’est ce que cette recherche essaie d’expliquer en montrant 

comment ces structures favorisent concrètement à la fois un processus 

de reconnaissance et un processus de réduction des préjugés, qui sont 

directement reliés à la fabrique de citoyennetés. Toutes développent 

des pratiques qui engagent les individus dans des modes de relation 

dont le but est de leur permettre d’être soi par le partage d’histoires, 

de sentiments, d’émotions et d’informations. En particulier, d’une 

structure à l’autre c’est la forme de la réciprocité dans les interactions 

qui caractérise la socialité produite. La recherche indique comment 

et pourquoi chaque structure développe des modèles élémentaires de 

la socialité : une « réciprocité généralisée », lorsque les individus sont 

socialement équivalents et indifférenciés dans un rapport d’interaction 

donné ; une « réciprocité équilibrée », dans le cas d’interactions fondées 

sur des contributions respectives qui équilibrent les relations ; une 

« non réciprocité » ou une relation inégale ou asymétrique lorsque 

les interactions différencient les personnes et ne se fondent pas sur 

l’échange d’équivalents. 

Sur le plan scientifique, l’analyse de ces structures comme fabriques 

de citoyenneté montre la nécessité de développer une sociologie 

compréhensive de l’objet « citoyenneté » qui met au centre de l’analyse 

l’étude des mécanismes fins de production des identités, autour de 

la question de la construction des sentiments d’appartenance et de 

justiciabilité. Pour les chercheurs, l’exigence principale de ce type 

d’analyse se situe dans la vérification permanente de l’interprétation 

des matériaux avec les personnes elles-mêmes, de façon à contrôler au 

mieux les classements opérés, tant des formes de socialité produites dans 

les fonctionnements des structures que des niveaux de reconnaissance 

qui sont activés dans les multiples interactions. 

68

Proximité et citoyenneté en milieu urbain 

Proximité et citoyenneté 

en milieu urbain 

Les leçons de la pratique au Québec, 

aux Pays-Bas et en Espagne 

Evelyne Baillergeau Coord., CSSS Jeanne-Mance & 

Université de Montréal, 

Jean-Willem Duyvendak, Marc Hoijtink, 

Marta Llobet, Myriam Thirot, 

septembre 2009, 111 p., bibliogr., ann. 

PUCA 1153 

Cette recherche a fait porter son attention sur les démarches (outreach en 

anglais) entreprises pour aller à la rencontre des « citoyens en rupture », 

en vue de favoriser leur accès aux droits quand celui-ci est parsemé 

d’obstacles, parfois indépendants de la volonté de ces personnes. Ces 

démarches sont également menées pour essayer de comprendre le point 

de vue, les besoins, les attentes des personnes en situation de rupture 

avec le social institué. 

Les publics en grande difficulté sociale et économique peuvent en effet 

marquer de la réticence, voire de l’hostilité, vis à vis des politiques, 

y compris des politiques sociales. Cette recherche s’intéresse aux 

pratiques qui visent à comprendre et à traiter ces difficultés, ces 

réticences, ces craintes parfois. Parmi ces pratiques, que penser de la 

proximité en tant que levier d’intervention ? Quelles formes de mieuxêtre, 

voire d’inclusion sociale vise-t-elle à promouvoir auprès des 

personnes marginalisées ? Comment ces pratiques sont-elles perçues 

par les publics visés ? 

69


La lecture de ces démarches a été faite en retenant deux approches. La 

première a consisté à mieux comprendre les logiques d’intervention 

des professionnels de l’action sociale ; la seconde a cherché à mettre 

en évidence comment ces pratiques sont perçues par les publics 

visés. Il s’agit de proposer un nouveau regard sur les manières dont 

ces « citoyens en rupture » sortent d’attitudes de non-recours à leurs 

droits, de non-participation à la vie collective, d’invisibilité quand ces 

attitudes sont liées à des situations de souffrance sociale. Pour ce faire, 

nous nous sommes intéressés aux démarches d’intervention portées par 

18 organismes répartis dans trois villes où de telles pratiques existent 

depuis plusieurs décennies (Montréal, Amsterdam, Barcelone). 

Des enquêtes menées à Montréal, Amsterdam, Barcelone, il ressort 

que les logiques et les modalités d’action suivies par les organismes 

impliqués dans les politiques sociales sont proches dans les trois 

villes étudiées. Souvent, les actions menées mettent l’accent sur des 

comportements individuels (favoriser l’accès à des services ; développer 

des capacités ; favoriser l’implication sociale ; travailler la motivation). 

D’autres fois les interventions ont une vocation plus collective ou du 

moins interpersonnelle (favoriser la cohabitation ; prévenir les risques 

et favoriser la « réduction des méfaits »). Les premières logiques d’action 

s’attachent à la relation de l’individu marginalisé à la société en général, 

tandis que les dernières mettent l’accent sur les relations des individus 

marginalisés aux autres individus qu’ils côtoient au quotidien, que ce 

soit leurs pairs ou les autres usagers des espaces publics. 

Dans ces démarches engagées par les associations, la mobilisation de la 

proximité occupe une place centrale dans l’établissement d’un premier 

contact mais aussi dans la construction d’une relation de confiance 

avec le public visé. Elle peut même se faire objectif puisque, dans les 

pratiques étudiées, la proximité est mobilisée à deux niveaux : proximité 

entre les intervenants et les publics visés et proximité au sein des 

publics visés quand les pratiques visent à favoriser la vie sociale dans 

les milieux de vie, à l’échelle du voisinage bien souvent. La proximité 

70


est donc véritablement un levier d’intervention sur le social, qui peut 

aller bien au-delà du premier contact avec les publics marginalisés 

ou de la simple relation de guichet. Le recours à la proximité comme 

outil repose dans certains cas sur des savoirs et des savoir-faire 

professionnels développés lors de formations préalables (à Montréal 

notamment) mais, aussi et surtout, au fil de l’expérience professionnelle 

et du contact avec les publics marginalisés. Les enquêtes ont confirmé 

la mise en oeuvre de plusieurs formes de proximité : proximité 

construite et proximité d’existence. Ces deux formes se trouvent 

parfois combinées sur le terrain. En effet, d’une part, les intervenants 

réputés extérieurs aux publics visés cherchent à mobiliser certaines 

caractéristiques personnelles pour renforcer leur expertise en termes 

d’analyse des publics. Par ailleurs, certains intervenants cherchent à 

mobiliser les acquis de leur expérience professionnelle dans l’action au 

quotidien ainsi que les apports liés aux contacts avec les intervenants 

ayant reçu une formation théorique en intervention sociale. 

Dans la littérature consultée, la proximité se présente comme une 

ressource ambivalente. Supposée être un atout elle peut aussi engendrer 

des désavantages. C’est le cas, par exemple, quand une grande proximité 

inhibe l’établissement d’une relation de confiance à l’égard de l’intervenant. 

Bien que nous y étions préparés, de telles difficultés ne sont pas apparues 

lors de nos enquêtes, du moins pas de manière insurmontable pour les 

intervenants ou pour les usagers. Ceci est peut-être lié à notre volonté 

d’interroger les intervenants et les publics visés non seulement sur les 

difficultés rencontrées mais aussi sur les stratégies pour les surmonter. 

C’est peut-être aussi lié au caractère exploratoire de nos enquêtes. On 

peut tout du moins souligner une maîtrise certaine de la proximité 

comme ressource d’intervention parmi les intervenants interrogés dans 

les trois pays, les entretiens ayant partout révélé une grande réflexivité 

sur ce point. Cette maîtrise contraste avec les incertitudes associées à la 

proximité comme ressource dans la littérature consultée, tant dans les 

pays impliqués dans notre recherche qu’en France. 

Il y a un autre paramètre ambivalent mis en évidence dans la littérature. 

71


C’est l’appréciation de la démarche qui consiste à aller vers des publics 

qui ne l’ont pas demandé. Aux Pays-Bas en particulier, la légitimité 

des pratiques de la visite au domicile des familles jugées « à risque » 

fait débat dans la communauté scientifique. Et cela d’autant plus que 

ces pratiques ont tendance à se développer aujourd’hui, en particulier 

dans les grandes villes telles que Rotterdam et Amsterdam. Même si 

les pratiques d’outreach que nous avons étudiées s’inscrivent dans la 

même logique (aller-vers), elles ne semblent pas susciter de sentiment 

de violation de l’intimité parmi les personnes visées qui les accueillent 

favorablement d’une manière générale. La raison en est peut-être que 

ces personnes sont rencontrées dans l’espace public ou dans des espaces 

intermédiaires et non pas à domicile. Ces rencontres ont, en outre, un 

caractère moins inquisitorial que les pratiques de visite à domicile des 

familles dites à risque. 

Les pratiques observées offrent un accès privilégié à l’analyse, du point 

de vue des publics marginalisés, de la mise en oeuvre des politiques 

sociales en particulier mais aussi de leur rapport à la société en général, 

en termes de perspectives de sortie de la marginalité et d’inclusion 

sociale. De l’analyse des discours des intervenants et des usagers, il 

ressort que l’image négative communément portée sur les publics visés 

agit comme un facteur de remise en cause de la capacité de s’en sortir. 

Les interventions observées permettent de mettre à jour les mécanismes 

d’exclusion liés à ce phénomène et permettent aussi d’entamer un 

travail de sortie de l’impasse. Sans surprise, compte- tenu de la forme 

des enquêtes, les démarches d’approche active des publics marginalisés 

non- demandeurs sont bien perçues par les usagers interrogés, qui se 

sont parfois montrés d’ardents défenseurs des pratiques, voire même 

des émules. On peut cependant remarquer que dans bien des cas cette 

bonne opinion est le fruit d’un long travail d’apprivoisement mutuel, 

signe que la démarche d’approche n’était pas forcément donnée 

gagnante au départ. 

Quel est le rapport à la citoyenneté des populations marginalisées dites 

invisibles, rapport appréhendé dans le cadre des démarches menées 

72


par les associations ? Il faut tout d’abord rappeler que le problème n’est 

pas toujours l’invisibilité — certains publics se trouvent même plutôt 

dans une situation d’hypervisibilité conflictuelle (SDF, jeunes dits « des 

cités »). L’enjeu est alors de passer d’une hypervisibilité conflictuelle 

à une reconnaissance sociale, c’est-à-dire à la prise de conscience par 

la société des contraintes inhérentes aux situations d’itinérance, à la 

souffrance liée à la toxicomanie. Il peut aussi s’agir de passer d’une 

invisibilité ou indifférence sociale à l’existence sociale, c’est-à-dire à 

la prise en compte par la société, d’une détresse silencieuse et d’un 

mal-être confiné dans l’espace privé. Les pratiques observées peuvent y 

contribuer dans la mesure où elles procurent des occasions de réaliser 

une lecture fine non seulement des situations problématiques mais 

aussi des obstacles à surmonter lors des démarches de sortie de la 

marginalité. Dans les pratiques observées, l’accès à la citoyenneté peut 

avoir lieu à deux niveaux : passer d’une citoyenneté formelle à une 

citoyenneté réelle en accédant à des services et à des droits sociaux et 

économiques (santé, hébergement, ressources) d’une part ; s’exercer à 

l’entrée dans la sphère publique par la parole et les actes en prenant 

soin que ces manifestations soient perceptibles par les autres citoyens 

et leurs représentants d’autre part. 

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Consentement à l’impôt ou au tarif ? Des visions contrastées de la solidarité locale 

Consentement à l’impôt ou au tarif ? 

Des visions contrastées 

de la solidarité locale 

Françoise Navarre, Université Paris XII Val de Marne, 

décembre 2008, 101 pages, bibliogr., ann. 

PUCA 1085 

Quel est le rapport des habitants au paiement des services publics 

locaux, comme mode d’expression des enjeux de solidarité inscrits dans 

un territoire, comme dimension constitutive d’une citoyenneté locale ? 

L’instauration en 2007 de la gratuité pour la restauration scolaire, dans 

les écoles élémentaires de quelques communes de la Seine St Denis, 

suivie d’une proposition de Loi engageant vers sa généralisation à 

l’ensemble du territoire national ont suscité des débats vifs entre élus 

et dans leurs associations. La gratuité, généreuse dans son principe et 

apparemment aisée dans sa mise en œuvre, n’allait donc pas de soi. Ces 

débats ont été à l’origine de questionnements sur les représentations et 

les expressions de la solidarité et de la citoyenneté qui s’opposaient à 

cette occasion ? 

La fourniture de repas aux élèves est un service facultatif, laissé à 

l’initiative locale. Dans les faits, modes de vie aidant, il prend un caractère 

quasi-systématique. Il s’agit en outre d’un service dit administratif ou 

social. Rien n’impose de ce fait son équilibre budgétaire. Les recettes 

provenant des familles, lorsqu’elles s’acquittent des factures de cantine, 

ne représentent qu’une part du financement du service. La restauration 

collective des enfants est financée par le budget général des Villes, 

alimenté en grande partie par les contributions locales. Les tarifs 

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(alors dits au quotient familial) sont généralement modulés selon les 

ressources et les compositions familiales. 

De la sorte, le service fait doublement jouer des mécanismes de 

« solidarité ». Les uns se nouent entre des contribuables, qui financent 

avec leurs impôts un service dont ils ne bénéficient pas nécessairement, et 

les usagers. Les autres se tissent entre les familles, le poids budgétaire 

des dépenses de cantine variant selon leur situation. 

Les élus, « gouvernants » ont à se prononcer sur l’importance respective 

de ces deux mécanismes. Ils fixent de la sorte la règle locale du jeu de 

la « solidarité », au nom de la mission citoyenne dont ils sont investis. 

Les « gouvernés » s’inscrivent dans ce dispositif, en supportent le poids 

de façon plus ou moins équitable, pour des bénéfices variables. 

La gratuité ne serait qu’une figure extrême des dispositifs généraux, 

supposant une acceptation -citoyenne- d’une contribution fiscale qui 

ne procure pas d’avantages directs. Ce consentement sert à garantir 

l’accessibilité du service à tous. Il vient mettre le doigt sur une tension 

entre « l’individuel » et « le collectif ». Il faut en effet renoncer à des 

biens propres pour un mieux-être général. 

L’objectif de la recherche ne consiste pas à apporter des éléments 

additionnels de connaissance sur les mérites respectifs des impôts, des 

tarifs et de la gratuité. 

Le travail effectué consiste bien plutôt à mobiliser ce référentiel 

conceptuel et théorique et à étudier si et comment « gouvernants » et 

« gouvernés » s’en saisissent lorsqu’ils sont amenés à justifier, dans le 

champ de l’expression publique, les avis qu’ils formulent à propos de 

la restauration scolaire et de sa tarification, pris comme un exemple de 

service public local. 

L’étude vise également à examiner si les dispositions tarifaires, leurs 

modifications, leurs injustices éventuelles, les inadaptations dont 

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elles sont sources… sont suffisantes pour conduire les parents à des 

actions, dans l’arène collective et dans le champ de la « citoyenneté ». 

Par hypothèse, les « classes moyennes », diversement traitées au regard 

de l’impôt, occupent une position singulière. Elles sont exposées à des 

effets de seuil, à des différenciations tarifaires qu’elles accepteraient 

difficilement. De la sorte, elles ont toute chance de se mobiliser 

particulièrement sur le terrain de la restauration scolaire, porteur 

d’enjeux, en raison notamment des liens étroits que « la cantine » 

entretient avec « l’école ». Qu’en est-il dans les faits ? 

Une méthodologie simple a été adoptée afin d’apporter des éléments 

d’éclairage, cohérents avec les perspectives énoncées. Le terrain 

d’études retenu est celui des 106 communes (de plus de 9 000 habitants) 

des départements de l’Essonne, des Hauts de Seine et de la Seine St 

Denis. Elles constituent un échantillon représentatif des situations 

franciliennes, au regard des critères descriptifs choisis - richesse 

fiscale et sociale, couleur politique du groupe majoritaire dans l’équipe 

municipale, proportion des professions intermédiaires dans leur 

population - critères dont on fait l’hypothèse qu’ils jouent sur les 

options adoptées localement en matière de tarification, et sur la façon 

dont elles sont perçues. 

Pour chaque commune, ont été collectées des informations caractérisant 

le mode de gestion et le mode de tarification du service de la restauration 

scolaire. Ces données ont servi à bâtir un cadre « objectivant ». C’est ainsi 

que, pour chacune des Villes, une courbe a été établie qui représente 

les taux d’effort des familles (pour la restauration scolaire), en fonction 

de leur quotient familial et/ou leur ressources. Des estimations ont été 

faites pour évaluer les tarifs applicables, dans chaque commune, à des 

« familles moyennes types ». Ce cadre apparaît comme un préalable au 

recueil des points de vue des « gouvernants » et des « gouvernés ». Les 

points de vue se construisent bien, au moins pour partie, au regard des 

éléments de réalité auxquels ils sont confrontés. 

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Le premier constat est celui d’une grande diversité des pratiques locales 

de gestion. Si la formule de la régie fait l’objet d’un fort attachement, c’est 

le recours à un prestataire privé qui est néanmoins le mode dominant 

(près de 60 % des cas). Le choix du mode de gestion n’a pas, en première 

analyse, d’incidence sur les prix des repas facturés aux familles. 

La formule de la tarification « au quotient familial » est de loin 

la plus répandue. Elle est présentée comme le mode de tarification 

garantissant l’égalité de traitement des usagers : le prix est d’autant 

plus élevé que le quotient familial est fort. En fait, de façon contreintuitive 

6 , dans de nombreux cas le dispositif peut être qualifié de 

« régressif ». Il est favorable aux familles à revenus élevés, davantage 

parfois qu’à celles disposant de faibles ressources. Les familles aux 

budgets « moyens » sont, certes de façon diverse selon les lieux, souvent 

« mal traitées » au jeu des tarifs. De façon générale cependant, les modes 

de tarification sont favorables à tous. Le prix moyen d’un repas facturé 

aux parents est proche de 3 € ; sa fourniture coûte, à la collectivité, aux 

alentours de 8 € 7 . La « cantine » est résolument « solidaire », même si 

tous n’en bénéficient pas de façon semblable. 

Dans ce tableau général, des Villes présentent des spécificités en 

matière de dispositifs d’ensemble (gratuité, tarif unique, taux d’effort 

constant…), d’autres s’inscrivent au contraire dans les dispositions 

communes. Des entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès des 

élus de ces localités et/ou des responsables de Services impliqués dans 

la restauration scolaire, ainsi que des représentants d’associations de 

parents d’élèves, porteurs à la fois d’un point de vue individuel et 

collectif. Une enquête par voie de questionnaire, administrée à un panel 

large de parents, a été envisagée pour saisir directement les expressions 

des « gouvernés ». Elle n’a pu se dérouler. Les propos recueillis auprès 

des représentants des parents, mobilisés, ne sont pas nécessairement 

représentatifs. Ils illustrent néanmoins une forme de mobilisation 

6 

en raison du désajustement de la progression des tarifs par rapport à celle des quotients 

7 

les estimations produites et/ou citées valent pour l’échantillon de communes considéré ; elles sont plus ou moins 

« robustes » et ne peuvent de ce fait être tenues pour généralisables 

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citoyenne. Une attention particulière a par ailleurs été accordée à une 

« guerre des cantines » dans une des Villes de l’échantillon. 

Quelques communes ont modifié, ou envisagent de modifier, leurs 

dispositifs tarifaires pour aller vers davantage de simplicité de gestion 

et d’équité. La plupart conservent un système hérité du passé qui, à 

la suite d’ajustements successifs, n’est plus nécessairement adapté 

aux réalités sociales des familles. Les gammes de tarifs sont souvent 

choisies en référence à ce qui se fait dans les localités voisines. On veille 

assurément à réduire les injustices mais on cherche surtout à minimiser 

les changements de situation, sources éventuelles de mécontentements 

avec des risques électoraux élevés. 

Les références économiques et financières sont rarement 

mobilisées. Le coût du service, en particulier, n’est pas un paramètre 

servant aux régulations. La nécessité de maintenir un niveau constant 

de ressources tarifaires est invoquée pour justifier les changements, 

même si cela limite leur portée. La perte de ressources, dans des budgets 

tendus, est un argument opposé à la gratuité. Une opacité certaine 

entoure les éléments tangibles d’information, à même de fonder la 

rationalité des choix. Des principes de proportionnalité et d’équivalence 

sont posés, sans être conduits à leur terme. Les évaluations manquent. 

La faible place accordée aux éléments d’ordre économique interroge, à 

l’heure où les tensions pesant sur les finances publiques – locales - sont 

vives. N’est-il pas temps de mobiliser davantage ces éléments afin de 

desserrer les contraintes actuelles et/ou à venir ? 

Les « gouvernants » puisent principalement dans le registre de l’équité, 

de la justice, de la responsabilité…, voire de la « solidarité » et de 

la « citoyenneté », pour donner poids à leurs choix politiques. Les 

« gouvernés » font référence à ces mêmes principes, notamment lorsqu’il 

s’agit par exemple de justifier leur opposition -quasi généralisée- à la 

gratuité. 

La tarification de la restauration scolaire ne fait guère l’objet de débat, de 

l’avis même des représentants des parents. Il est probable qu’elle convienne 

dans l’ensemble aux familles qui, implicitement ou explicitement, se 

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désignent comme faisant partie des « classes moyennes ». Pour deux 

enfants, la facture mensuelle moyenne est d’environ 65 €, soit à peu 

près 2 % d’un budget familial (moyen). Les parents reconnaissent que 

ce montant dépasse les possibilités financières de certaines familles. Ils 

hésitent à avancer un prix, symbolique, acceptable pour les budgets les 

plus serrés. « Gouvernants » et « gouvernés » partagent ces incertitudes. 

Comment en effet se prononcer à la place de ceux dont on ne partage 

pas le vécu, et qui sont peu présents dans les dispositifs associatifs 

« traditionnels » ? 

La question de la gratuité générale ou exceptionnelle (valant pour des 

situations de grande difficulté), celle des tarifs dits « sociaux », ne sontelles 

pas des façons de rechercher des solutions quand le problème 

de fond n’est pas abordé ? Figurant une égalité formelle devant un 

service, ne viennent-elles pas signifier l’absence ou les difficultés de 

la coproduction d’une égalité réelle, où l’autre, égal et différent, est 

présent ? Les déclinaisons actuelles données à la « solidarité » ne 

souffriraient-elles pas d’un déficit de « citoyenneté » ? 

La restauration scolaire ne possède apparemment pas un fort pouvoir 

mobilisateur. Sa tarification fait souvent figure d’enjeu de second 

ordre ; certains problèmes sont peut-être résolus par des traitements, 

au cas par cas, sous forme d’aide sociale. Il arrive que la « cantine » 

devienne l’objet d’un conflit local opposant parents et municipalité. 

Il semble alors que la restauration scolaire cristallise des oppositions 

latentes davantage qu’elle ne les crée. 

Le mouvement collectif des parents, ceux des « classes moyennes », 

achoppe sur le pouvoir séparateur du calcul individuel des gains et pertes 

à escompter du passage - envisagé - d’un tarif unique à une tarification 

au « quotient familial ». Le poids institutionnel, la disponibilité de 

temps et d’informations ne jouent guère en faveur des parents. Tout 

se passe comme si la mobilisation personnelle en faveur de la cantine 

s’inscrivait dans une trajectoire d’engagements associatifs, vers d’autres 

expressions dans le débat public. La « solidarité » autour de la cantine 

nourrirait de la sorte une forme de « citoyenneté ». 

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Observatoires locaux 

et suivi citoyen des finances locales 

Jean-Roland Barthélemy, Benoit Gay, Marguerite Rigaud, 

Fondation des villes Société nouvelle, 

décembre 2009, 86 p., bibliogr. 

PUCA 1129 

Des citoyens se mobilisent pour comprendre les finances de leur 

commune. Qui sont-ils ? Pourquoi s’investissent-ils dans cette tâche ? 

C’est pour répondre à ces deux questions que la Fondation des villes SN 

a mené une enquête auprès d’une dizaine de mouvements de citoyens 

en France. Cette enquête a été complétée par une analyse de la situation 

existante dans quatre pays européens. Les citoyens qui s’impliquent 

jusqu’à se plonger dans le domaine touffu et peu accessible des finances 

publiques locales sont rares. Pourtant la majorité des associations qui 

les regroupent semblent s’être maintenues, voire développées. Certaines 

comptent des centaines de membres. Il s’agit, pour ces citoyens, de faire 

respecter les règles, d’assurer la traçabilité des décisions, de détecter 

la corruption et les gaspillages. C’est donc la défense d’un patrimoine 

collectif qui anime leur action. 

Les militants de cette nouvelle citoyenneté prennent des positions 

politiques diverses. Cependant le point commun de ces démarches est 

une volonté de refonder la démocratie en exigeant la transparence et 

une rationalité collective de l’usage des fonds publics. En ce sens, sur de 

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nombreux points, ces mouvements recoupent l’action des associations 

de défense des usagers des services publics étudiés dans d’autres 

recherches. Nous retrouvons ici leur fragilité liée à leur dépendance à 

quelques animateurs majeurs, une certaine forme de messianisme, une 

méfiance entre mouvements et envers le politique, la faible structuration 

des réseaux. Contrairement aux associations de contribuables, ils 

n’inscrivent pas leur action dans le cadre de revendications fiscales. Ils 

s’impliquent durablement mais leur engagement est différent de celui 

des militants politiques par son objectif d’impartialité et de mise en 

place du préalable technique au débat politique. 

D’une manière générale, les questions que se posent les citoyens, dans 

leur commune, concernent d’abord l’analyse des coûts des services. Les 

questions portent également sur les mouvements financiers entre budget 

principal et satellites et sur la traçabilité des dépenses sur plusieurs années. 

La France présente la caractéristique d’avoir développé un grand 

nombre de lois très favorables à la transparence de l’information 

sur les dépenses publiques, mais ces informations publiées sont 

très éloignées de celles attendues par les citoyens. Souvent, les 

collectivités locales ne disposent pas de l’information demandée 

par ces groupes de citoyens. En effet, la comptabilité analytique 

est très rare, le cadre comptable est rigide et organisé autour de 

grandes fonctions et non de projets ou de politiques. Par ailleurs, 

hors du cadre obligatoire, les budgets satellites ou transversaux (sur 

des thèmes comme l’environnement, la jeunesse, l’aide sociale, la 

politique de la ville ou de grands équipements) sont peu nombreux. 

En outre l’information produite est de nature très technique et 

rebute de nombreux citoyens. 

L’observation des initiatives citoyennes conduit à un diagnostic pour le 

moment peu encourageant : 

• Le dialogue entre les citoyens impliqués et les collectivités s’établit mal 

ou pas : les préoccupations apparaissent très différentes. La position 

des élus reste défensive, la méfiance des citoyens est forte. 

82


• Il n’y a pas de convergence pour identifier ce que serait l’information 

de base qui permettrait d’organiser un débat. Autrement dit, il existe 

un désaccord de fond sur les conventions comptables, budgétaires et 

économiques qui permettraient de mesurer les dépenses. 

• Les outils de suivi dans le temps et de comparaison géographique 

n’existent pas à un niveau fin pour situer chaque dépense, donc pour 

donner des bases à un débat sur des politiques alternatives. 

• La vulgarisation n’est pas faite par les collectivités et demande 

beaucoup de temps et de compétences à quelques citoyens impliqués 

dans les mouvements. 

Les mobilisations citoyennes prennent deux formes majeures très 

différentes : 

• D’un côté des observatoires qui développent très lentement leur 

action faute de pouvoir accéder à une information autrement que par 

des dossiers au cas par cas. Ces observatoires sont fondés sur l’idée que 

la comparaison des situations, à partir de dossiers précis, permettrait 

de mettre en évidence la mauvaise gestion locale, voire les faits de 

corruption. Mais les comparaisons sont rendues difficiles par l’absence 

de réseau national entre ces observatoires, relevant . d’initiatives très 

locales. Le préalable d’une meilleure transparence des comptes bloque 

la progression vers une information comparative. La méfiance des élus 

est très forte envers ce type d’initiatives qui, menées au nom de l’intérêt 

général, semblent les mettre en cause. La lourdeur du travail induit par 

les observatoires est le principal obstacle à leur développement, car les 

militants qui sont engagés dans ces démarches, doivent y consacrer de 

plus en plus de temps et être toujours plus compétents. 

• De l’autre, des mouvements de défense locaux, qui échangent 

seulement des méthodes et de l’appui technique, mais restent centrés 

sur des revendications locales. Ces mouvements ont entamé un 

dialogue avec les élus, ce qui a permis de mettre certaines questions 

à l’agenda politique local. Le repli sur des approches locales aboutit 

à un morcellement des mouvements, à une grande réticence face aux 

coopérations. Les revendications se centrent sur la simplification 

des procédures et des informations comptables. Pour avoir plus 

83


d’informations et faire évoluer les situations, les responsables de ces 

initiatives soulignent la nécessité de passer à des engagements politiques. 

Sans aller jusque là, l’objectif poursuivi par cette vigilance est bien sûr de 

faire évoluer les dispositifs de prévention des risques (corruption, dérive 

des dépenses, alerte sur les décalages face à la réalité des services rendus, 

protection des biens publics). Le citoyen engagé ne peut que lancer des 

alertes, attirer l’attention des populations, éventuellement par la presse. 

Seules les institutions publiques peuvent mettre en œuvre l’évolution 

des dispositifs. Le rapport indispensable à l’institution semble 

peiner à s’établir en raison d’un fort déséquilibre d’information 

et d’un contexte de méfiance. C’est ainsi que les catalogues de coûts 

unitaires sur les dépenses locales existent (associations professionnelles 

de directeurs de services, associations de formation avec des cotisations 

élevées, comptabilités analytiques internes dans certains services) mais 

ces informations sont inaccessibles au public. Les collectivités refusent 

de consacrer du temps à produire une telle information en réponse aux 

demandes de certains habitants. 

Dans le domaine de la transparence et de la lutte contre la 

corruption, les citoyens obtiennent parfois des résultats par le biais 

de mouvements associatifs, qui peuvent signaler des dossiers aux 

Chambres Régionales des Comptes, entamer un dialogue avec des élus 

ouverts ou, à défaut, intenter des procédures. Mais il s’agit de processus 

très lents pour un résultat très éloigné des projets locaux. Or pour la 

majorité des citoyens rencontrés, la transparence, considérée comme 

un préalable, n’est pas la raison principale de leur action qui concerne 

la conduite des affaires locales. 

Les revendications financières des citoyens sont, en revanche, très 

convergentes d’une ville à l’autre : 

• la demande d’une ouverture plus grande des documents comptables ; 

• un changement de système comptable pour évoluer vers une présentation 

qui prenne en compte des domaines correspondant aux préoccupations 

des citoyens (sur des politiques, sur des services ou des objets précis) ; 

84


• une obligation d’information avec un accès facile pour les habitants ; 

• mais aussi de nombreuses revendications qui impliquent un changement 

de l’ensemble du système politique : (un seul mandat, une simplification 

institutionnelle ….). Ce type de revendications prend assez 

rapidement son autonomie par rapport au niveau local. 

Malgré l’absence de projet de société dans ces mobilisations 

citoyennes, c’est bien à une conception de démocratie du 

consensus que se réfèrent ces démarches. Cela les distingue de ce 

qui prévaut dans le contexte français dans lequel elles s’inscrivent. 

Ce contexte privilégie la démocratie du conflit (nécessité de dégager 

une majorité, puis de lui confier de façon unilatérale la maîtrise de 

la gestion comme de l’information). Cette démocratie du consensus 

est un cadre d’action, très fréquent dans les pays gouvernés par 

des alliances. Cela suppose de pouvoir faire évoluer les points de 

vue dans un cadre transparent. Les situations étrangères étudiées 

(Allemagne, Pays-Bas) et certains budgets participatifs de petites 

villes, montrent qu’il a fallu d’abord établir un constat d’échec 

du cadre majoritaire pour faire évoluer les choses. Les dispositifs 

observés à l’étranger montrent clairement la démarche ambitieuse 

qui est nécessaire pour passer à une démocratie de consensus : 

• la mise en place d’une réforme profonde des comptes locaux, pour 

répondre à des demandes analytiques sur des politiques . Il s’agit aussi 

d’établir une comptabilité du patrimoine ; 

• la négociation d’un préalable politique entre les groupes présents à 

l’échelle locale ; 

• une réforme institutionnelle qui clarifie les fonctions des différentes 

instances du gouvernement local (exécutif, adjoints ou bureau, 

conseil). Cette réforme conduirait aussi à reconnaître une place 

aux services et aux employés municipaux. Elle devrait également 

expliciter le lien entre la commune et ses satellites, préciser les 

compétences de ceux-ci et identifier les relations établies avec les 

autres niveaux géographiques. Cette réforme, enfin, donnerait des 

droits d’interpellation aux citoyens. 

85


En conclusion, il apparaît que les mouvements observés ne passent pas 

facilement du statut d’organismes investis dans un travail d’information 

et de dénonciation, à celui d’acteurs du changement. L’obstacle à cette 

évolution est principalement la difficulté rencontrée pour nouer des 

réseaux, mais aussi la difficulté à tenir sur une longue durée des actions 

exemplaires capables de faire référence. Dans le contexte français, la 

réforme de l’outil comptable et l’affichage d’un système décisionnaire 

plus clair font partie des conditions qui permettront de prendre en 

compte la démocratie financière. Actuellement, il semble bien que 

la revendication d’apolitisme de ces associations ne perturbe pas le 

système majoritaire en place, voire joue le jeu d’une preuve indirecte du 

soutien de la population aux équipes municipales en place. 

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La citoyenneté fiscale locale : concepts, compréhension, réalité 

La citoyenneté fiscale locale : 

concepts, compréhension, réalités 

Victor Chomentowski, Julien Ouvrard, Conjuguer, avec la 

collaboration de Pierre Gaultier et Christian Lalu, 

avril 2009, 2 tomes, 123 p.+82 p. , bibliogr., ann. 

PUCA 1115 

Recueillir auprès des citoyens leur manière de percevoir le budget de 

leur commune, ses enjeux et ceux de la fiscalité locale puis confronter 

ces enseignements aux pratiques des élus telle est la démarche suivie 

par cette recherche. Ce faisant, les chercheurs de Conjuguer renouent 

avec la sociologie financière, discipline un peu délaissée au cours de la 

période récente. 

Les entretiens menés auprès des citoyens des trois agglomérations 

de Clermont-Ferrand, Albi et Saint-Quentin en Yvelynes mettent en 

évidence les enseignements suivants : 

• Il faut globalement souligner une bonne connaissance, par les 

personnes enquêtées, de l’organisation administrative de leur 

territoire et une apparente bonne compréhension de leur avis 

d’imposition. En revanche, lorsque l’on aborde des sujets plus précis 

comme les effets des abattements et surtout des dégrèvements, la 

connaissance devient moindre. On peut d’ailleurs s’interroger sur des 

politiques gouvernementales qui offrent des « cadeaux » fiscaux et ne 

communiquent pas à leur sujet. 

• On note également, de manière minoritaire, des confusions plus 

graves sur les niveaux de décision en termes de pression fiscale ou sur 

87


les bénéficiaire des impôts locaux (l’Etat par exemple). Autre exemple 

d’erreur, 25% des enquêtés disent ne pas payer la TVA, ne sachant pas 

qu’ils sont les payeurs en dernier ressort de cette taxe pour tous leurs 

achats. 

• D’autres, moins nombreux, jugent le système trop compliqué, peu 

compréhensible, voire douteux. Dans les questions posées portant 

sur l’appréciation d’une meilleure répartition des impôts à un échelon 

intercommunal, certains se demandent si l’Etat ne serait pas un meilleur 

garant des répartitions, plus neutre, évitant ainsi tout « copinage ». 

D’une manière générale, sur les trois agglomérations, la connaissance 

du montant du budget communal est relativement faible. Il est 

probable que les sommes qui dépassent 10 M€ n’évoquent plus 

grand chose pour les personnes avec lesquelles les entretiens ont été 

menés. Par contre, ces personnes savent que le budget communal 

est financé principalement par la fiscalité et des dotations de l’Etat. 

Dans leur esprit le rôle de la taxe professionnelle reste important sans 

qu’elles sachent exactement ce que la Taxe Professionnelle Unique 

d’agglomération a apporté. 

En termes d’informations financières, une petite majorité (sauf à 

Saint Quentin en Yvelynes) trouve la communication suffisante grâce 

aux bulletins municipaux, à Internet, aux réunions publiques et à la 

presse régionale (sauf toujours à Saint Quentin en Yvelynes). Reste 

à savoir si les personnes rencontrées estiment la communication 

suffisante parce qu’elles ont compris, ou parce que de toute façon 

elles n’en liraient pas davantage. Du côté des insatisfaits, minoritaires 

rappelons-le, on perçoit une certaine méfiance envers les élus qui 

« opèrent derrière le dos des citoyens », avec un mandat trop long 

pendant lequel ils ont « les mains libres ». Enfin, d’autres estiment 

que trop d’informations tue l’information et regrettent que seuls les 

spécialistes puissent comprendre les termes utilisés. 

88


Le point de vue des élus et responsables locaux 

Dans les trois agglomérations, Victor Chomentowski a rencontré 

les élus et responsables locaux. Au plan communal (Maire, DGS et 

autres responsables) pour Albi et Clermont Ferrand, et au plan de la 

Communauté d’agglomération (Président, DGS, directeur des finances) 

pour Saint Quentin en Yvelines. 

Les éléments communs aux trois Communautés d’Agglomération sont 

les suivants : 

• Les élus et, avec eux, les responsables de service sont d’abord des 

managers qui gèrent. La priorité semble être l’équilibre du budget et 

le financement de leurs politiques. Le citoyen n’est pas seulement un 

contribuable mais aussi un usager qui consomme des services. L’absence 

de face à face direct en matière de fiscalité (aucun bureau d’accueil 

des contribuables) pourrait en partie expliquer un certain parti pris 

d’absence de communication de la part des gouvernants. Au contraire, 

les services publics payants, où les contribuables peuvent faire valoir 

leur droit à la réclamation et font face aux gestionnaires, nécessitent le 

recours à une politique de communication. 

• Les élus et responsables de service sont souvent déçus par 

l’intercommunalité qui, selon eux, n’a pas tenu ses promesses. La 

conviction que la Taxe Professionnelle Unique (TPU) allait contribuer 

à égaliser les ressources fiscales entre les communes est apparue 

comme une illusion naïve puisque les communes qui, dans le processus 

de péréquation, ont perdu des ressources ont immédiatement bénéficié 

de compensations financières. Quant à la suppression de la part salaire 

de la Taxe Professionnelle, elle a automatiquement mis fin aux espoirs 

d’une croissance régulière des ressources assurant le développement de 

l’intercommunalité. 

Pour Albi et Clermont Ferrand, c’est la fiscalité ménage qui est 

au coeur de la réflexion des villes-centres. Dans la Communauté 

d’Agglomération (CA) de Clermont, les élus parlent ouvertement de 

solidarité obtenue par la recherche de mixité sociale dans les quartiers. 

89


A Albi où l’intercommunalité est encore très récente, l’objectif est 

surtout de limiter les conséquences d’un application de la solidarité 

sur la ville-centre en ne transférant pas trop de compétences et donc 

de dépenses. De façon générale, se pose la question de l’égalisation 

des niveaux de service dans l’ensemble de l’agglomération, égalisation 

demandée par les uns, redoutée par les autres, sans objet parfois. 

Les entretiens tenus avec les responsables locaux, élus et fonctionnaires, 

ont une tonalité très différente à Saint Quentin en Yvelines, à la fois 

parce qu’il s’agit d’une intercommunalité déjà ancienne et parce que 

les responsables rencontrés sont moins directement confrontés aux 

contribuables. Le rôle de la taxe professionnelle y est plus crucial, le 

financement des investissements et l’ampleur de la dette donnent aussi 

une connotation particulière. 

Ainsi l’enquête fournit des données nombreuses et diversifiées. Il est 

difficile d’apprécier dans quelle mesure la méthode retenue a infléchi 

les attitudes envers les finances et la fiscalité locales. Il est clair que de 

nombreuses questions seraient restées sans réponses si des listes d’items 

n’avaient pas été proposées. Il faut donc considérer cette recherche 

comme une étape vers des enquêtes plus ciblées ou plus approfondies. 

En tout cas, la recherche apporte un démenti partiel aux propos récurrents 

sur la trop grande complexité de la fiscalité locale. En effet, la majorité 

des personnes rencontrées affirme comprendre son avertissement avec 

la feuille d’imposition, appréhender la structure du budget communal, 

avoir une vision correcte du financement des services publics locaux, 

mettre en relation les impôts et le coût des services, être déterminée 

quant à la non gratuité des services publics locaux. 

Néanmoins, dès que les questions deviennent plus techniques, le 

nombre de personnes capables de répondre s’effondre. De plus, il semble 

que nombre de contribuables qui disent comprendre ou avoir assez 

d’informations sur leur feuille d’imposition, ne regardent pratiquement 

que le montant à payer et se contentent de quelques informations. 

90


Davantage de contenu n’aiderait pas forcément à davantage de 

compréhension. La manière importera autant que le contenu. 

La communication fiscale est sans doute l’enjeu principal des 

prochaines années pour les élus et les responsables de services. Face 

aux interrogations des citoyens, les gouvernants ont en effet pour 

l’instant des positions professionnelles de gestionnaires s’inscrivant 

dans le respect de l’équilibre budgétaire. De futures recherches 

pourraient donc aboutir à faire partager une meilleure connaissance 

de la fiscalité locale et à proposer des solutions qui permettraient aux 

citoyens d’appréhender sans inquiétude une matière réputée obscure. 

Ce ne sera pas facile, tant les réponses aux questions ouvertes montrent 

l’étroitesse d’un chemin qui doit à la fois susciter le désir et éviter les 

écueils d’une sémiologie éculée (« le graphique en camembert» ), d’une 

terminologie technicienne, et les obscurités d’une fiscalité à laquelle 

sont associées suspicions et rumeurs. 

Méthodologie 

4 modes d’analyse ont été mobilisés pour mener à bien cette recherche : 

• une enquête auprès des citoyens afin de saisir leur connaissance et 

leur compréhension des dispositifs fiscaux et des finances locales, 

• des interviews auprès des élus et responsables locaux qui appliquent 

une politique fiscale particulière, 

• l’établissement d’un référentiel de données quantitatives destinées 

à permettre une confrontation entre la réalité et les positions des 

enquêtés, 

• une approche plus théorique sur la problématique de la fiscalité locale 

L’équipe de Conjuguer, constituée par Victor Chomentowski et Julien 

Ouvrard, a travaillé, non seulement avec d’autres spécialistes de la 

fiscalité locale et des collectivités (Pierre Gaultier de Décision Locale et 

Christian Lalu de l’AMGVF) mais également avec des enquêtrices qui 

ont mené une trentaine d’entretiens dans chaque agglomération. Elles 

ont opéré grâce à un questionnaire semi directif et un échantillon de 

33 citoyens prédéfinis permettant de représenter les différents types de 

91


citoyens (CSP, locataires/propriétaires, homme/femme, habitation en 

maison individuelle ou en collectif...). 

Le questionnaire portait sur la compréhension par les citoyens de leurs 

impôts locaux et de l’organisation administrative de leur territoire, 

mais s’intéressait à leur appréciation de la richesse relative de leur 

agglomération et de leur commune ainsi qu’à des sujets plus vastes tels 

que l’égalité face à l’impôt. 

Les trois Communautés d’Agglomération (CA) choisies ont des tailles 

de populations diverses, Clermont étant la plus importante avec environ 

287 000 habitants, pour 150 000 à Saint Quentin et 82 000 à Albi. Dans 

chaque cas, les communes ont été choisies de telle façon que soient 

représentées des collectivités de taille et de potentiel fiscal différents 

(ville centre, une ville riche et quelques communes moins bien dotées). 

L’hétérogénéité est en effet la règle dans chaque agglomération, que 

ce soit en termes de ressources ou de fiscalité, même si on constate un 

mouvement vers une égalisation des ressources (en particulier dans la 

CA de Saint Quentin où les communes sont de taille similaire et où il 

n’y a pas de ville-centre). 

En termes de positionnement financier, Albi et Clermont disposent de 

recettes par habitant proches de la moyenne nationale des CA (562€/ 

hab.), seule Saint Quentin a des recettes deux fois plus importantes 

grâce à son potentiel fiscal professionnel exceptionnel. Pour autant, 

Saint Quentin est la CA la plus endettée des trois, ce qui entraîne un 

faible reversement de ses ressources vers les communes (18% contre 

64% à Albi). 

On comprend que Saint Quentin en Yvelines, ville nouvelle, a 

une histoire totalement différente des deux autres communautés : 

intercommunalité la plus ancienne, elle s’est développée ex-nihilo en 

dehors de la ville centre de la région d’Ile de France, avec la nécessité 

de réaliser en une génération l’ensemble des équipements que les villes 

de la même taille ont réalisés en plusieurs siècles. 

92


En termes de budget, dans les trois sites étudiés, les communes restent 

les acteurs prépondérants des agglomérations. En effet, malgré son 

ancienneté relative, la CA de Saint Quentin ne contrôle réellement que 

39% des ressources de l’agglomération, et les autres CA moins de 20%. 

Concernant la fiscalité, on remarque de manière générale que les taux 

de taxe d’habitation (TH) dans les communes des trois CA encadrent 

le taux moyen national et qu’ils sont encore davantage concentrés dans 

la CA de Saint Quentin. Les taux sont d’ailleurs plus élevés dans la CA 

d’Albi pour ce qui concerne le foncier bâti et la taxe professionnelle. 

En dehors des 4 vieilles (TH, Foncier Bâti, Foncier Non Bati, TP), 

les ménages ont à payer également la taxe d’enlèvement des ordures 

ménagères (TEOM) et une facture d’eau annuelle souvent équivalente 

à une taxe d’habitation. Il faut par ailleurs savoir que les communes ont 

la possibilité de jouer sur deux facteurs pour déterminer la cotisation 

TH : les taux et les abattements. Deux facteurs leur échappent : les 

valeurs locatives (VL) fixées depuis la révision de 1970, très différentes 

en moyenne d’une commune à l’autre, et les dégrèvements accordés 

par l’Etat en fonction du revenu du foyer. Ainsi, on constate sur les 

trois sites que les VL sont assez proches, sauf à St Quentin où elles 

sont plus élevées. Mais le pourcentage de ménages ayant bénéficié 

d’un dégrèvement (sur le nombre d’habitations) est plus important 

à Clermont-Ferrand (40%) qu’à Albi et à Saint Quentin (29%). 

Finalement un nombre important de contribuables ne paie pas ou 

peu de taxe d’habitation. Ce sont certainement consommateurs et 

demandeurs de services municipaux mais pas des citoyens impliqués 

dans leur financement. 

93


94

Regard sur le programme : Ce que les chercheurs m’ont appris 

Regard sur le programme : 

Ce que les chercheurs m’ont appris 

Enseignements du programme « Citoyenneté urbaine, 

formes d’engagement et enjeux de solidarité » 


PUCA 

Ce programme a, conformément aux attentes de la consultation, 

privilégié les démarches de chercheurs qui portaient sur l’analyse des 

pratiques, des activités des « gouvernés ». Les gouvernés, c’est-à-dire les 

destinataires des politiques publiques mais aussi les porteurs de valeurs 

collectives, de formes d’engagement et d’enjeux de solidarité. Les 

« gouvernés » seront parfois appelés « citoyens ordinaires ». Citoyens 

ordinaires car disposant, notamment, d’une expertise d’usage de la ville, 

d’un usage de la ville au quotidien. Mais pour nombre de chercheurs 

il convient de ne pas circonscrire les qualités des citoyens ordinaires 

à leur expertise d’usage. Il est, en effet, également important d’être 

attentif au potentiel d’innovation de la politique que leurs engagements 

mettent en jeu. 

Dans ce programme de recherche, la politique, la citoyenneté, ces 

termes, entretiennent des liens étroits avec la ville, la cité. 

Les chercheurs nous invitent donc à regarder autrement la politique 

et la prise de décision publique. Il est important de souligner que les 

travaux menés se sont déroulés au cours des années 2008-2010. Ces 

recherches ont donné lieu à des travaux comparatifs entrepris dans le 

cadre européen le plus souvent, mais pas exclusivement. 

95


1- Une autre appréhension de la politique en retenant le point de 

vue des « gouvernés » 

La première idée que je retiens à la suite de la lecture des rapports, 

des documents et des présentations faites par les chercheurs, c’est 

la proposition faite de s’attacher à une autre appréhension de 

la politique. La prise en compte du point de vue des « citoyens 

ordinaires » et l’attention portée aux actions qu’ils mènent conduit 

à reformuler ce qui est appelé « la politique » et, d’une manière 

générale, le contenu et le déroulement du processus décisionnel. 

En effet, dans ce programme il ne s’agit pas d’étudier la concertation 

ou la participation. Ces deux démarches sont maintenant bien 

étudiées et leur rôle au sein de la prise de décision est bien analysé. 

Tenant compte de cet acquis et des opérations de recherche en 

cours par ailleurs, ce programme a également souhaité ne pas 

s’engager dans les débats visant à clarifier les mérites respectifs 

de la démocratie participative et de la démocratie représentative. 

Notons que, dans ces débats, le cadre de la politique est largement 

circonscrit par les « gouvernants ». 

Ce programme de recherche, lui, demandait aux chercheurs de 

s’intéresser à la politique vue et vécue par les gouvernés, la politique 

qui se traduit , pour eux, en actes, sous la forme d’engagements 

et d’enjeux de solidarité. Ces formes d’engagements et ces enjeux 

de solidarité dessinent, de fait, un univers de la politique qui ne 

recouvre pas nécessairement celui de la politique telle que mise en 

œuvre par les gouvernants. Ainsi Agnès Deboulet et les chercheurs 

qui travaillent avec elle étudient les formes de mobilisation 

d’habitants de quartiers qui font l’objet de projets de rénovation 

urbaine. Leurs mobilisations expriment une citoyenneté, une 

citadinité faite d’échanges, de prise de parole, d’appropriation de 

l’espace public. 

96


2- Des citoyennetés en situation, la citoyenneté des « citoyens 

ordinaires » 

La citoyenneté, telle que mise en évidence par les chercheurs, est toujours 

en situation. Elle se manifeste en actes. La citoyenneté s’exprime alors 

dans une dynamique qui se déroule au quotidien. C’est également une 

fabrique. Fabrique est un terme employé par plusieurs chercheurs 

reprenant ainsi ce qui figurait dans le texte de la consultation. Ce mot 

fabrique souligne bien le fait que pour les chercheurs de ce programme, 

la citoyenneté ne se présente pas comme un statut mais comme un 

processus en actes. 

Dans l’expression de cette citoyenneté en situation, la définition de l’individu 

se transforme. L’identité de chaque personne est en construction continue 

et, dans cette construction, les relations qu’elle établit avec les autres et 

avec l’espace public se transforment. Et ces relations avec les autres et avec 

l’espace public la transforment également. Plusieurs recherches placent au 

cœur de leurs investigations la question de la reconnaissance sociale et 

celle de l’identité en construction en lien avec des collectifs. Se lisent les 

conditions de la sociabilité politique dans une société d’individus. En arrière 

plan se lit le souci de répondre à un double défi : favoriser l’autonomie de 

l’individu et promouvoir le vivre ensemble dans la ville. Cette question a 

été le fil rouge qui a relié toutes les recherches. 

Mais qu’est-ce que la citoyenneté urbaine ? A l’issue de ce programme 

ce n’est pas une définition qui peut être présentée mais plusieurs 

propositions. C’est ainsi que chaque équipe de recherche s’est attachée 

à proposer une approche (plus qu’une définition) de la citoyenneté 

Pour Catherine Chauveaud et Philippe Warin, il s’agit d’une 

citoyenneté en pratique, mise en œuvre au sein de lieux associatifs. 

Dans ces lieux « les personnes (re)construisent l’image et la présence 

forte de l’individu ». En effet, elles y retrouvent des raisons de s’engager 

dans des collectifs qui les soutiennent et contribuent à les sortir de 

l’isolement en leur offrant la possibilité d’échanger avec les autres. 

97


Pour l’équipe du Groupe de Recherche Action, composée de 

Rémi Eliçabe, Amandine Guilbert, Anne-Sophie Haeringer, 

Yannis Lemery, Laetitia Overney, la citoyenneté se présente comme 

un rapport commun à la ville, un sens partagé de la ville. Un sens 

partagé qui se fabrique progressivement. L’engagement public s’élabore 

dans ce premier partage. C’est un engagement public qui remet en 

cause les formes habituelles du politique. Cet engagement peut être 

conflictuel. Le conflit est alors un moment important d’une dynamique 

de projet urbain, d’une ville en train de se faire et d’expérimenter des 

formes d’organisations collectives « aux marges » telles que les squats, 

les usages alternatifs d’espaces publics… 

Pour l’équipe coordonnée par Agnès Deboulet, la citoyenneté 

urbaine, dans les quartiers de la politique de l’ANRU, prend son essor sur 

des substrats de solidarité et d’organisation sociale préexistants dans ces 

quartiers. Les formes de citoyenneté qui s’expriment alors renouvellent 

le lien citadin, voire républicain, en créant de la compétence à agir et 

de la compétence politique chez une partie des résidents. Ces résidents 

sont des personnes d’ordinaire volontiers déconsidérées. Ces formes 

de citoyenneté sont marquées par une capacité à s’inscrire dans la 

durée, à faire surgir un nouveau vocabulaire permettant l’expression du 

désarroi ou de conflits surgis à l’occasion de l’annonce ou au cours de la 

rénovation urbaine. Il s’agit notamment d’un nouveau vocabulaire par 

lequel la citoyenneté se présente comme une demande de justice et de 

reconnaissance. La mobilisation des habitants à l’occasion d’opérations 

de rénovation ouvre alors la voie à la fabrication d’outils permettant 

d’être mieux entendus. Ces outils sont l’expression de savoirs citoyens 

et vont au-delà de simples savoirs liés à l’usage du quartier. Il s’agit 

notamment de l’apprentissage à exprimer sa demande, à développer 

des arguments. Ces outils contribuent aussi à identifier la nouvelle 

teneur des enjeux urbains et institutionnels portés par la rénovation 

urbaine. La citoyenneté urbaine est ainsi prise comme la construction 

d’un univers de références communes. Cet univers de références donne 

sens à un horizon d’incertitudes résidentielles. Il y a donc construction 

d’un univers partagé. Dans ce contexte la citoyenneté urbaine est une 

98


dynamique. Elle est portée par les femmes habitantes qui s’investissent 

dans des engagements au quotidien et assurent la continuité des actions 

engagées. Ces engagements au quotidien se manifestent en activant 

ou réactivant des formes de solidarité telles que les réseaux familiaux 

ou sociaux. Ces engagements contribuent à une amélioration du bien 

commun ou au rétablissement d’une forme de justice mise à mal par les 

politiques publiques ou l’aménagement urbain. 

Pour Jean-Roland Barthélemy et Marguerite Rigaud de la 

Fondation des Villes, les personnes mobilisées dans les observatoires 

locaux des finances locales sont des citoyens « lanceurs d’alerte ». 

A travers leur mobilisation dans ces associations, ils font preuve de 

vigilance pour promouvoir la transparence des comptes publics et 

lutter contre la corruption. Ils inscrivent leur activité dans le cadre de 

la fabrique d’un bien commun, fabrique qui s’élabore dans ce qu’ils 

appèlent « une démocratie du consensus ». 

Pour Milena Chimienti, les sans-papiers, les travailleur(se)s du sexe, 

les consommateurs de drogues sont des activists citizens lorsqu’ils se 

mobilisent. Ce faisant, ils passent de « l’enragement à l’engagement ». 

Leur mobilisation a pour objectif d’obtenir des gains concrets : 

l’accès au marché du travail ou la normalisation pour les premiers, la 

reconnaissance de leur mode de vie pour les derniers qui s’engagent 

dans des dispositifs de prévention. Cette chercheure, comme d’autres, 

a mis en œuvre une démarche comparative européenne. Celle-ci met 

en évidence l’hétérogénéité des politiques européennes dans un certain 

nombre de questions de société (le travail, la liberté individuelle, la 

santé publique…). Et les sans-papiers, par exemple, se trouvent dans 

des situations contrastées. 

Pour le Groupe de Recherche et de Développement Rural avec 

Barbara Bertini, Marielle Cartiaux, Patrick Gonin, Nathalie Kotlok, 

Stéphanie Lima, Rafael Ricardou, la citoyenneté est une citoyenneté 

active. Cette citoyenneté active s’exprime dans les processus de codéveloppement 

« pour mieux être ancrés ici, nous devons nous inscrire 

99


dans un espace de circulation. ». Une citoyenneté active qui est aussi 

une citoyenneté transnationale entre la France et les pays du Sahel. 

Evelyne Baillergeau, pour sa part, met l’accent sur ceux qu’elle appelle 

les « populations marginalisées ». Il s’agit de ceux qui sont invisibles 

parce qu’ils n’exercent pas leurs droits ou au contraire qui sont trop 

visibles parce qu’ils cristallisent des peurs, notamment de déclassement 

social, chez ceux qui les côtoient. Ces « populations marginalisées » 

ce sont, par exemple, les sans domicile fixe ou les consommateurs de 

drogues. Pour la chercheure, l’enjeu est de permettre à ces populations 

de bénéficier de la citoyenneté réelle en accédant à des services et à des 

droits sociaux et économiques (santé, hébergement, ressources). Les 

démarches engagées avec ces personnes par des travailleurs sociaux 

devraient également permettre à ces populations de s’exercer à l’entrée 

dans la sphère publique par la parole et les actes en prenant soin que 

ces manifestations soient perceptibles par les autres citoyens et leurs 

représentants. 

Pour Françoise Navarre, à partir de l’analyse de la tarification de la 

restauration scolaire, la règle locale du jeu de la solidarité est définie par 

les « gouvernants ». Cependant à travers le consentement à l’impôt et 

à la tarification des services se tissent, pour les contribuables/usagers, 

des engagements de solidarité financière. 

S’interroger sur la citoyenneté c’est aussi porter l’attention à l’accès 

à l’information. Les chercheurs de Conjuguer avec Victor 

Chomentowski et ceux de la Fondation des villes insistent, 

les uns et les autres, sur les limites de l’information disponible et 

diffusée en direction des contribuables locaux. Ils soulignent que les 

informations, lorsqu’elles sont diffusées, ne répondent pas aux attentes 

des contribuables. Il conviendrait là aussi de s’attacher au point de vue 

des citoyens ordinaires pour présenter les informations sous un mode 

qui ne soit pas celui de comptables s’adressant à des comptables. 

100


3- Les ressources de la ville : ceux qui y vivent 

Que ce soit avec les chercheurs qui ont fait porter leurs analyses 

sur la fiscalité locale ou avec ceux qui ont mis l’accent sur l’étude 

des pratiques quotidiennes, le thème des ressources est très présent. 

Ressources fiscales, économiques, psychologiques, sociales, les champs 

dans lesquels ce thème est décliné sont multiples. 

Le terme « ressources » ne figure qu’une fois dans le texte de la 

consultation de recherche et désigne les ressources représentées par les 

ressources fiscales issues des impôts payés par les contribuables locaux. 

Ainsi que le souligne Françoise Navarre, ces contributions financières 

sont faites dans le cadre d’un consentement à l’impôt. Il s’agit d’un acte 

démocratique puisque l’impôt est voté par des assemblées élues par les 

citoyens. Ces représentants des citoyens votent l’impôt, « consentant » 

ainsi à participer à la prise en charge financière des dépenses votées 

librement. Tous les citoyens sont-ils contribuables, tous les contribuables 

sont-ils citoyens ? 

Les travaux menés par les chercheurs apportent des précisions sur 

la manière dont l’impôt est perçu (au sens d’apprécié, compris). 

Trois enseignements sont alors d’un grand intérêt. Le premier, issu 

des travaux de l’équipe de Conjuguer, fait état du fait que 25% des 

contribuables rencontrés dans l’enquête menée pensent ne pas être 

assujettis à la TVA. Le second enseignement, commun à Conjuguer 

et à Françoise Navarre met en évidence que les contribuables ne sont 

pas favorables à la gratuité totale des services publics locaux. C’est 

ainsi qu’ils reconnaissent que des services essentiels (éducation…) 

doivent être financés exclusivement par l’impôt et que d’autres 

(cantines scolaires…) doivent être financés à la fois par l’impôt et 

par des contributions de tous les usagers aussi minimes soient elles. 

Reparlons-nous de la TVA ? Rappelons que la TVA est venue se 

substituer à une taxe, perçue localement, et transformée en une taxe 

nationale, dont le taux a été uniformisé sur la base de ce qui a été 

perçu en 1968. 

101


Le terme « ressources » est également utilisé par les chercheurs qui 

s’attachent aux engagements sociaux. 

Plusieurs recherches évoquent les termes de confiance en soi, respect de 

soi, estime de soi. Trois modalités d’être « au monde » nées d’interactions 

sociales qui nous mettent en relation les uns avec les autres. Confiance 

en soi, estime de soi, respect de soi autant de sentiments positifs qui 

s’acquièrent dans l’interconnaissance, le respect des droits et le débat 

social. Cet accent mis sur les interactions sociales et leurs dynamique 

s’inspirent des travaux menés par Axel Honneth. Ce chercheur allemand 

met en exergue ce qu’il appelle la reconnaissance sociale et qui est au cœur 

du vivre ensemble. Cette reconnaissance sociale suscite une dynamique 

de sociabilités et oriente les relations tissées avec les institutions. La 

reconnaissance sociale, avec ses trois composantes, décrit un ensemble 

de ressources, ressources qui peuvent être mobilisées. Axel Honneth et 

ses travaux sont des références fréquemment mises en avant dans les 

travaux des chercheurs, plus particulièrement chez ceux qui ont engagé 

des mises en perspective européennes. 

Mais comment les personnes qui disposent de peu de ressources, de 

peu de reconnaissance sociale, peuvent-elles se mobiliser ? 

De fait, pour acquérir une « capacité » qui leur permette de participer 

à la décision urbaine, elles doivent à la fois retrouver une confiance en 

elles-mêmes, l’estime d’elles-mêmes et participer à des collectifs qui leur 

offrent cette reconnaissance. Ces collectifs sont de multiples natures. 

Il existerait alors des personnes « ressources », nous dit Agnès Deboulet 

ou des lieux-ressources nous précise Philippe Warin qui, les unes et les 

autres, prennent en charge la vulnérabilité de ces personnes disposant 

de peu de ressources pour affirmer ou restaurer une confiance en soi 

chez ces personnes qui doutent d’elles-mêmes et pour leur donner 

envie de s’engager et de croire en leur capacité d’action. 

Dans cette dynamique de construction de soi et d’engagements 

collectifs, des personnes-ressources se mobilisent donc pour soutenir 

102


et assurer la montée en capacité de décider (empowerment) de ceux qui, 

souvent, n’ont pas les ressources suffisantes pour s’exprimer. 

Dans ce processus, ces personnes-ressources (parfois inscrites dans 

des lieux-ressources) permettent de passer de situations vécues 

comme injustes à la mise en place de nouvelles légitimités. C’est le cas 

des personnes qui sont confrontées à des opérations de rénovation 

urbaine. Ces opérations s’imposent à elles et ces personnes trouvent 

un appui auprès de ceux que, à une autre époque, nous aurions appelé 

des « advocacy planners », avocats des habitants dans les opérations 

d’urbanisme. 

Des situations, tels les projets de rénovation urbaine présentés par les 

chercheurs coordonnés par Agnès Deboulet peuvent jouer un rôle de 

déclencheur de mobilisation. Les mobilisations ainsi suscitées cherchent 

à convaincre du caractère « juste » des engagements qui se mettent 

en place. Des personnes-ressources peuvent aussi se rencontrer parmi 

celles qui, initialement, ne recouraient pas à leurs droits, rencontrées par 

Philippe Warin dans des lieux qu’il appelle « fabriques de citoyenneté », 

ou parmi des sans-papiers qui revendiquent leur appartenance au 

monde du travail. 

D’une manière générale, les travaux de recherche menés conduisent à 

retenir que ce sont les personnes qui vivent dans la ville qui en sont les 

principales ressources. Et la réponse à la question ; « qu’est-ce que 

la citoyenneté urbaine ? » pourrait être : la citoyenneté urbaine 

est le droit de pouvoir contribuer aux ressources de la ville. Il 

s’agirait alors d’expliciter ces droits de cité. 

4- Les formes d’engagement et les enjeux de solidarité et leurs 

rapports aux institutions 

Ce programme a volontairement mis l’accent sur les formes non 

institutionalisées de mobilisation et d’expression d’enjeux de solidarité. 

Les actions analysées, les situations observées ont cependant souligné 

la diversité des rapports à l’institution qui ont pu être mis en évidence. 

103


Il est possible de présenter ces rapports à l’institution en les situant sur 

plusieurs axes qui opposent des dynamiques contrastées. 

Le premier axe pourrait s’appeler l’axe conflit / consensus. 

Sur cet axe nous trouverions du côté du conflit, les expérimentations 

étudiées par le GRAC, expérimentations aussi diverses que des squats, 

des repas collectifs, des centres sociaux autogérés. Diversité des expériences 

donc mais homogénéité du positionnement des personnes qui 

font vivre ces initiatives et qui revendiquent une position conflictuelle 

vis à vis des institutions. A l’opposé, sur cet axe, pour Jean-Roland Barthélemy 

et Marguerite Rigaud de la Fondation des villes, les citoyens 

qui s’engagent dans les observatoires des finances locales situent leur 

engagement dans le cadre d’une démocratie consensuelle. Ils exercent 

une fonction que l’on pourrait qualifier d’intérêt général, la vigilance , 

et participent à la lutte contre la corruption. Là il n’y a pas de position 

conflictuelle explicitée mais revendication, au contraire, d’une posture 

qui se revendique consensuelle. 

Le deuxième axe est celui des dynamiques engendrées par les 

actions qui revendiquent une position conflictuelle. 

Cet axe oppose, à l’origine, d’un côté, les institutions, et, de l’autre, les 

expérimentations. Il semble que, dans certains cas, les unes et les autres 

ont tendance à « déteindre » les unes sur les autres (pas très clair !).. Là 

aussi les travaux du GRAC peuvent être utilement mobilisés. J’en retiens 

une forme de résolution du conflit qui me semble intéressante. Il s’agit 

de la résolution du conflit qui conjugue ce que les chercheurs appellent 

« l’ensauvagement » de l’institution dans le moment même où l’expérimentation 

s’institutionnalise. Dans ce mouvement l’expérimentation 

s’inscrit dans la durée et prend en compte des attentes du quartier et 

de la ville tandis que la ville, de son côté admet ces formes atypiques 

d’espaces publics. L’exemple le plus caractéristique en est celui des Pavillons 

sauvages à Toulouse. Après avoir été un squat engagé dans une 

démarche conflictuelle avec les institutions, les Pavillons Sauvages figurent, 

aujourd’hui, parmi les initiatives mises en avant sur le site internet 

de la ville de Toulouse. Ils y sont présentés comme une « friche écolo- 

104


gique, social, culturelle ». Il est d’ailleurs intéressant de souligner l’évolution 

du terme « friche » dont les connotations péjoratives originelles 

laissent place à des acceptions plus positives. La réflexion de Bernard 

Eme, parlant de coopération conflictuelle pourrait être rappelée. 

Notons cependant que les « citoyens vigilants » mis en évidence par les 

chercheurs de la Fondation des villes se mobilisent pour promouvoir la 

transparence financière. La transparence est alors revendiquée comme 

un enjeu démocratique. Ce faisant ces citoyens se confrontent à l’opacité 

de la fiscalité locale et en font un enjeu de citoyenneté. Est-ce que leur 

action n’est pas génératrice de conflits ? L’objectif poursuivi c’est-à-dire 

la transparence au profit de tous, est un bien commun et ces citoyens 

participent de la fabrique d’un bien partagé sans exclusive. Mais le 

chemin pour y parvenir n’est pas dénué de conflits. Du moins c’est 

ce que nous pouvons déduire des difficultés rencontrées par ceux qui 

s’engagent sur ce chemin 

5 - Une citoyenneté aux multiples visages territoriaux 

Ce titre reprend celui de la recherche menée par le Groupe de Recherche 

sur le Développement Rural. De fait, les différentes recherches 

envisagent une citoyenneté qui s’exprime à plusieurs échelles spatiales. 

Dans plusieurs recherches, les situations présentées articulent entre 

elles différentes échelles urbaines. C’est en particulier le cas de celles 

qui soulignent la différence de nature entre les quartiers qui valorisent 

l’échelle du voisinage tandis que les métropoles s’inscrivent dans des 

réseaux de relation mondiaux. C’est ainsi que la recherche du GRAC 

met en exergue l’hétérogénéité des enjeux de l’urbain suivant que 

l’accent est mis sur le quartier ou sur la métropole. Pour les chercheurs 

du Grac, les valeurs portées par ces deux entités territoriales de l’échelle 

urbaine ne sont pas les mêmes. Quartiers et métropoles entretiennent 

cependant des relations complexes. La métropole se caractérise par 

la prégnance des logiques économiques et gestionnaires, l’inscription 

dans des réseaux internationaux. Elle valorise aussi les grands projets 

urbains qui permettent de positionner la ville dans la compétition 

105


internationale. L’embourgeoisement des quartiers populaires bien 

situés apparaîtrait alors comme une conséquence du fait métropolitain. 

De son côté, le quartier est présenté comme le prototype de la ville 

sensible (usages multiples, interconnaissance, pratiques marginales, ville 

populaire). C’est à l’échelle du quartier que se manifeste la dimension 

expérimentale des pratiques observées qu’il s’agisse de squats, 

d’animation d’espace public, de pratiques économiques alternatives… 

Dans cette perspective, c’est l’inscription dans le quartier qui est 

privilégiée. Les recherches, ou tout du moins plusieurs d’entre elles, 

participent donc d’une revalorisation du regard porté sur le quartier. 

Celui-ci est alors avant tout appréhendé comme un territoire social au 

sens que lui donne Michel Lussault. 

Les chercheurs soulignent cependant que les pratiques alternatives 

ou conflictuelles qui s’épanouissent dans le quartier se présentent 

comme des « interstices de la métropolisation ». De fait les pratiques 

« en marge » qui s’inscrivent dans la durée acquièrent une dimension 

« métropolitaine » en raison tout autant des questions qu’elles posent au 

fait métropolitain que de la reconnaissance qui peut leur est accordée à 

l’échelle métropolitaine. 

La métropole c’est aussi l’espace de représentation des jeunes qui 

participent aux actions du GRDR. Alors que leurs aînés, dans les 

foyers de travailleurs immigrés, en France, reproduisent des « villagesbis 

», concrétisant ainsi des liens privilégiés avec des villages d’Etats 

du Sahel, les jeunes perçoivent plus facilement les interrelations à 

l’échelle du monde et leurs références d’action mettent en avant le fait 

métropolitain composé d’ancrages et de circulations. Une citoyenneté, 

donc, à multiples visages territoriaux. 

De même les travailleurs sans papiers étudiés par Milena Chimienti 

inscrivent leurs engagements dans le cadre métropolitain. Ce cadre 

métropolitain qui est lieu de l’anonymat, mais aussi le lieu dans lequel 

106


peut se manifester à la fois et de manière antinomique plus de liberté 

et plus de contrôle. 

Quartier, métropole, échelle des pratiques, ce thème est également 

présent indirectement dans les développements dédiés à la « recup », 

activité du collectif lyonnais des glaneurs et des glaneuses qui 

interviennent sur les marchés. Pratiques analysée par les chercheurs 

du GRAC. Dans ce cas il s’agit de voir comment une activité vient 

réinterroger des pratiques « citoyennes » promues par les municipalités. 

Pratiques « citoyennes » de propreté urbaine. Il est intéressant de noter 

que la prise en compte de la notion de « coût complet » en viendrait 

aujourd’hui à promouvoir l’économie circulaire dont les glaneurs et 

glaneuses seraient un bon exemple. Il y a réutilisation sur place plutôt 

que mobilisation des financements destinés à prendre en charge la 

collecte puis le traitement des « déchets urbains ». Se lisent aussi des 

exigences nouvelles nées d’un monde dans lequel les coûts de transport 

ne vont plus être compressibles, un monde dans lequel les échanges 

matériels pourraient être affectés par des coûts de transport croissant 

en particulier lorsque seraient pris en compte leur empreinte carbone. 

Une autre façon de concevoir les métropoles peut-être… Un renouveau 

de la proximité ? 

6 – Les citoyens ordinaires à la fois visibles et invisibles. 

Ces citoyens ordinaires qui inscrivent leurs activités dans le quotidien 

sont tour à tour visibles et invisibles dans l’espace public. Visibles, 

invisibles, ces deux termes sont fréquemment employés par les équipes 

de recherche. Ces termes sont la concrétisation de regards portés sur 

les personnes ou les phénomènes observés en se plaçant suivant des 

points de vue différents. Ainsi les chercheurs du GRAC remarquent 

que certaines des expérimentations qu’ils analysent revendiquent une 

certaine invisibilité notamment pour avoir des chances de se pérenniser. 

C’est ainsi que des porteurs de projets « en marge » ne souhaitent pas 

être « enquêtés ». 

107


Pour sa part Evelyne Baillergeau met l’accent sur des populations qui 

sont considérés comme « invisibles » par les travailleurs sociaux. Ces 

derniers éprouvent, en effet, des difficultés à les rencontrer, à les inciter 

à exercer leurs droits. Cependant dans le même temps, ces personnes 

apparaissent, au contraire très visibles dans l’espace public. C’est la 

situation des jeunes toxicomanes, sans domicile fixe… leur visibilité 

est accentuée par le fait qu’ils apparaissent alors comme des exemples 

vivants d’un déclassement qui suscite les peurs d’un grand nombre. La 

chercheure préconise la recherche de la proximité, notamment sociale, 

dans le cadre de nouvelles formes de travail social destinées à susciter 

les contacts avec les populations « en difficulté ». 

La question du regard, et notamment du regard des chercheurs, 

aura été au cœur de ce programme. Témoigner, partager, prendre en 

compte, rendre compte… autant d’exigences de recherche qui ont 

scandé le déroulement du programme. Quel devrait être le regard porté 

sur ces citoyens ordinaires qui sont les ressources de la ville et qui 

contribuent à la fabrique d’un bien commun ? Mieux les connaître, 

mieux comprendre leurs motivations pour s’engager, mieux prendre 

en compte leurs enjeux de solidarité devrait contribuer à améliorer 

la décision publique et à enrichir la connaissance de la citoyenneté 

urbaine. 

108

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127


128


Annexes 

129


130


Texte de la consultation 

internationale de recherche 

La citoyenneté urbaine : 



Avril 2007 

Ministère l’Emploi, de la Cohésion sociale et du logement 

Ministère des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer 

DGUHC / PUCA. 


Cette consultation est issue des « Enjeux » construits par le PUCA qui ont 

constitué le socle sur lequel il a construit son programme 2007-2012. Elle 

est le fruit d’un atelier qu’il a organisé en collaboration avec le CNRS et 

de demandes complémentaires formulées par son Comité d’orientation. 

En effet, au cours de l’année 2006, le PUCA a organisé en collaboration 

avec le CNRS, un atelier de recherche intitulé « Citoyenneté urbaine », 

dont un des objectifs principaux a été de saisir un certain nombre 

d’enjeux liés à la décision urbaine et à l’exercice d’une citoyenneté en 

se plaçant du point de vue des gouvernés et des citoyens eux-mêmes. 

Il s’est donc agi de donner droit aux représentations et aux pratiques 

des citoyens. Dans cette perspective, la citoyenneté ne saurait se 

mesurer uniquement dans sa dimension juridique et nationale. Elle 

a été appréhendée plutôt comme un ensemble de pratiques, comme 

un processus, une « fabrique » constante à l’intersection des politiques 

publiques et des mobilisations. 

Parmi les constats effectués à l’issue de ce travail (voir synthèse 

bibliographique), il en est trois qui ressortent avec une force particulière. 

131


1. Il existe aujourd’hui une littérature assez importante sur les dispositifs 

de « démocratie participative » et les diverses instances de concertation 

mises en place par des collectivités territoriales (notamment aux termes 

de la loi de février 2002 sur la « démocratie de proximité »). Mais dans 

leur grande majorité, ces travaux s’intéressent davantage aux dispositifs 

institutionnels et à leurs éventuels effets sur l’organisation des services, 

qu’à ce qui motive et structure l’engagement des « citoyens » eux-mêmes. 

Ce constat vaut également pour les analyses relatives aux compétences ou 

attitudes requises et attendues de la part des citoyens dans ces instances, et 

par conséquent sur les processus d’exclusion qu’ils produisent. Autrement 

dit, on dispose de peu de travaux sur la manière dont des citoyens 

« ordinaires » vivent ces instances, ce qu’ils y trouvent ou souhaiteraient 

y trouver, ce qui motive leur adhésion ou leur désertion. 

2. Par ailleurs, on dispose également de relativement peu d’analyses 

concernant d’autres formes, parfois plus informelles, de participation 

à la décision urbaine, ou d’expression d’une citoyenneté. Pourtant, n’y 

aurait-il pas lieu de rechercher aussi ailleurs que dans les dispositifs 

institutionnels affichant une orientation participative, notamment 

dans des mobilisations parfois trop rapidement considérées comme 

relevant d’une logique « nimby » ou de pratiques violentes, l’expression 

d’aspirations et de demandes politiques et sociales émanant 

des citoyens, des acteurs sociaux ? L’enjeu n’est-il pas de percevoir 

comment la citoyenneté se construit, souvent en dehors des circuits 

balisés par les pouvoirs publics, dans des temps et des lieux de coprésence 

diversifiés, en prenant en compte y compris les dimensions 

corporelle, narrative et festive de la vie sociale. On peut également 

s’interroger sur la manière dont des engagements ne s’affichant pas 

sous l’intitulé « démocratie urbaine » influent ou interagissent avec 

celle-ci ; on peut penser ici à des engagements autour des enjeux 

de développement durable ou de protection de l’environnement, ou 

autour de « questions sociales », comme la pauvreté, le Sida ou le logement, 

ainsi qu’à tout un ensemble de pratiques liées au champ de la 

production économique ou de la gestion de services collectifs. 

132

Texte de la consultation internationale de recherche 

3. Certains enjeux de la citoyenneté sont invisibles, ignorés, peu 

explorés. Il en va ainsi de sa dimension fiscale. Si la citoyenneté fiscale a 

fait l’objet de nombreux commentaires du fait du caractère médiatique 

de l’installation à l’étranger de certains artistes ou hommes d’affaires 

fortunés, les débats sont restés circonscrits au poids relatif et au sens 

de l’impôt national dans un cadre européen. De même, si les travaux 

dans le champ de l’économie solidaire ont permis de développer 

l’idée de citoyenneté financière, par le recours à des placements 

éthiques par exemple, ils n’ont pas été raccordés à une analyse des 

disparités territoriales liées à la fiscalité locale. Pourtant, l’inégalité des 

revenus et plus globalement de la richesse des communes en France 

constitue un enjeu d’importance pour la citoyenneté urbaine. Une 

telle « invisibilisation » des dimensions financières et économiques 

de la citoyenneté ne va pas sans poser question, que l’on considère 

l’insistance à « faire participer les pauvres » quand d’autres « votent 

avec leurs pieds » en quittant des communes dont la fiscalité est 

considérée comme trop élevée, tout en continuant à en bénéficier des 

services ; l’opacité des mécanismes de la fiscalité locale ; ou encore la 

faible présence de ces enjeux dans les pratiques dites « participatives », 

notamment aux échelons intercommunaux. 

Thèmes de recherche retenus 

A l’issue des travaux menés dans le cadre de cet atelier, deux thèmes 

centraux ont donc été retenus pour structurer une consultation de 

recherche. 

I - Une citoyenneté par-delà les lieux et les bornes 

Les discussions et les pratiques contemporaines en matière de 

participation et de citoyenneté (deux registres liés mais cependant 

distincts), convergent toutes sur la question de l’articulation entre 

démocratie représentative et démocratie participative. La seconde 

peut être perçue comme un palliatif ou un complément à la première, 

qui traverserait une crise profonde, ou comme une manière de la re- 

133


légitimer et de la revivifier. Ces interrogations ont déjà donné lieu à 

un certain nombre de travaux. On se propose dans le cadre de cette 

consultation de déplacer le regard porté sur ces enjeux. 

L’hypothèse posée serait davantage celle d’une disjonction 

éventuellement croissante entre offre de participation à la chose 

publique, d’une part ; et d’autre part des ensembles de pratiques venant 

réinterroger la politique elle-même, quand bien même ces pratiques ne 

s’affichent pas explicitement comme relevant de cette sphère (ou d’une 

définition surplombante de celle-ci). On a ainsi pu noter l’émergence 

de pratiques réactives à des situations inédites à travers des scènes 

alternatives ou substitutives à « l’offre politique existante » qu’elle relève 

de la représentation ou de la participation. De même, un certain nombre 

d’événements (« émotions » ou « émeutes ») ont pu rappeler l’existence 

de ceux que Dominique Boullier appelle les « inouïs », inouïs parce 

que considérés comme illégitimes ou bien parce que s’exprimant dans 

des formes non conformes aux règles du débat civil. La situation se 

caractériserait alors par une offre politique relativement « décalée » par 

rapport à des demandes qui s’exerceraient selon d’autres registres et se 

manifesteraient dans des pratiques habituellement considérées comme 

relevant d’autres champs de recherche. 

Il s’agirait donc en premier lieu de clarifier à quelles demandes ou 

aspirations, l’offre politique, notamment participative, chercherait à 

répondre, et dans quelle mesure cette offre est effectivement élaborée 

de manière « participative », i.e. en prenant en compte dès l’amont 

les aspirations et attentes des citoyens. En second lieu, il s’agirait de 

prendre le recul nécessaire à l’appréhension d’une citoyenneté plurielle et 

multiforme. Il semble en effet pour le moins problématique de restreindre 

le champ de la citoyenneté comme processus à ce seul type d’instances, ou 

au seul enjeu de la participation. Nombre de mobilisations et de pratiques 

contemporaines peuvent être analysées comme révélatrices d’aspirations 

et de demandes qui sont soit non satisfaites par l’offre politique classique 

et institutionnelle ; soit situées dans une sphère de (relative) déconnexion, 

plus ou moins délibérée, vis à vis de celle-ci. 

134


Dans cette perspective, il paraîtrait donc pertinent de s’interroger à 

nouveau frais sur les « frontières du politique » 8 , sur les conceptions et 

les pratiques qui lui sont associées, selon que l’on se situe du point de 

vue des « gouvernants » ou des « gouvernés ». Cette interrogation reste 

à explorer à partir de trois champs spécifiques, dont on fait l’hypothèse 

qu’ils sont des révélateurs particulièrement efficaces de la disjonction 

évoquée plus haut entre offres et aspirations. S’ils sont ici distingués 

pour la clarté de l’exposé, ces différents champs peuvent être reliés par 

certaines thématiques. 

a. Individus, collectifs et expressions publiques 

Nombre de travaux se sont intéressés aux nouvelles formes 

d’engagement public reflétant des conceptions différentes quant aux 

relations entre collectifs et individus, entre public et privé, qu’il s’agisse 

des engagements dans des structures « traditionnelles » (syndicats, 

associations…) ou diverses manifestations publiques (coordinations, 

mobilisations « nimby », « performances »…). Il s’agirait alors de 

travailler plus avant ces hypothèses, notamment autour des modalités 

de construction de l’« intérêt général », ou du « bien commun ». L’enjeu 

est bien là de repérer les conditions de possibilité de tels processus, leurs 

modalités concrètes de mises en œuvre dans une diversité de situations, 

y compris dans des lieux et des moments n’étant pas habituellement 

repérés et analysés comme relevant du champ (politique et scientifique) 

de la « participation ». Une attention particulière peut être accordée 

ici aux dispositifs techniques (TIC) et aux langues (« technolangue », 

langue partagée ?) par lesquels ces processus s’opèrent. 

8 

ARNAUD Lionel et GUIONNET Christine, 2005, Les frontières du politique. Enquête sur les processus de politisation 

et de dépolitisation, Presse Universaires de Rennes. 

135


b. Droits de cité et citoyenneté urbaine 

Travailler sur la citoyenneté comme processus induit nécessairement 

de travailler à ses « marges », comme autant d’espaces où elle se 

constitue et se fabrique, « en tant qu’un des espaces de confrontation 

pratique avec les différentes modalités de l’exclusion, confrontation 

qui constitue toujours le moment fondateur de la citoyenneté » 

pour reprendre les termes de Jacques Rancière. Les mobilisations 

de et autour des Sans Domicile Fixe ou des Sans Papiers, et plus 

généralement de ceux considérés comme des « sans voix », seraient 

alors particulièrement révélatrices des modalités contemporaines 

de (re)définition de ces frontières de la citoyenneté, ainsi que de ses 

processus de fabrication, au-delà des statuts légaux et des catégories 

juridiques et sociales normatives, dans l’émergence de « positions » 

plus complexes. 

c. Projets politiques et citoyenneté 

En jeu dans ces réflexions se trouve la question générale des 

modalités concrètes de délimitation et de mise en œuvre du 

politique, à la fois hors des institutions et dans leurs articulations ou 

disjonctions avec des mouvements sociaux, des figures du citoyen et 

du public ainsi constituées. Par exemple, des notions comme celle 

de « montée en généralité », qui ont longtemps structuré l’analyse 

des processus politiques, ne peuvent-elles pas être aujourd’hui 

remises sur le métier, par la prise en compte de processus de 

« montée en singularité » dans l’espace public ? De même, quels 

sont les effets concrets, ainsi que les présupposés, du passage d’une 

notion comme l’empowerment du mouvement social aux politiques 

publiques ? Quelles en sont les vertus politiques du point de vue du 

développement d’une citoyenneté active, et les limites au regard du 

rôle de la collectivité, notamment en matière de « traitement de la 

pauvreté » ? Autrement dit, comment analyser les projets politiques 

et les figures de la citoyenneté à l’œuvre ? 

136


II - La citoyenneté fiscale locale 

Les relations institutionnelles entre les collectivités locales et l’Etat occupent 

le devant de la scène mais, sur celle-ci, les débats sur la citoyenneté fiscale 

locale sont largement absents. C’est ainsi que les collectivités locales voient 

dans les transferts de compétence issus de l’acte II de la décentralisation 

un risque de déstabilisation de leurs finances, une obligation d’augmenter 

les impôts locaux ou de renoncer à certains services, et, à terme, le 

risque d’une remise en cause politique de leurs élus. La constitution 

d’intercommunalités conduit par ailleurs à se demander si des communes 

résidentielles à fiscalité faible ne tenteraient pas de bénéficier des apports 

de la taxe professionnelle des communes populaires, mais industrieuses, 

pour se doter en équipements et services ? 

Les habitants, quant à eux, peuvent comparer les différents impôts 

locaux, ce qui, le cas échéant, les conduit à « voter avec leurs pieds », 

autrement dit, à quitter un territoire dans lequel le panier de services ne 

leur conviendrait pas ou serait trop coûteux. 

A côté de telles « défections » citoyennes, on note également des « prises de 

parole », de divers ordres. On peut penser ici au soutien apporté par leurs 

habitants à certaines municipalités refusant de construire des logements 

sociaux, quitte à payer des pénalités ; ou inversement à l’appel « Pourquoi 

nous nous soumettons à l’impôt », dont les signataires soulignaient entre 

autres le puissant rôle redistributif et de solidarité de celui-ci. 

La question n’est donc pas simplement celle de la faible lisibilité de la 

fiscalité locale, y compris dans les débats citoyens. Elle est aussi et surtout 

celle de la manière dont la fiscalité locale et les mécanismes de péréquation 

qui lui sont associés contribuent à inscrire la citoyenneté dans le territoire ; 

et celle des représentations et pratiques liées à la dimension fiscale de la 

citoyenneté de résidence. Il ne s’agirait donc pas de mener des recherches 

sur la fiscalité locale pour elle-même, mais de saisir celle-ci en tant qu’elle 

met en jeu, au-delà des mécanismes institutionnels, un certain nombre de 

représentations et de pratiques quant à l’impôt et à la solidarité. 

137


La faible lisibilité de la fiscalité locale est liée, aujourd’hui, à la difficile 

identification des instances au bénéfice desquelles s’opère la taxation 

et au manque de connaissance des circuits d’utilisation du produit 

de celle-ci. Cela pose la question de la démocratie fiscale locale et 

de ses échelons institutionnels (commune, intercommunalité…). Qui 

décide de l’impôt, qui fixe son niveau, qui détermine ses modes de 

perception ? Quels sont, en outre, les circuits d’utilisation de l’argent 

collecté ? 

On peut penser ici aux articulations entre imposition et droits (payer 

l’impôt donne-t-il des droits ?), entre logique assurancielle individuelle 

et logique de solidarité (chacun ne doit-il payer que pour ce qu’il 

utilise ?), financements publics et privés (y compris par le biais de 

fondations philanthropiques)… Autant de questions qui peuvent être 

envisagées à partir de l’analyse de mécanismes fiscaux : comment 

réarticuler les tendances antinomiques de la fiscalité directe locale 

(autonomie-expression de la démocratie locale, inéquité d’impôts 

vieillis, inégalités intercommunales ?) L’autre angle d’analyse possible 

partirait des pratiques individuelles et collectives d’habitants, 

organisés ou non dans des mouvements favorables ou hostiles à l’idée 

de solidarité financière et territoriale. L’analyse peut également porter 

sur les freins à la mise en place d’une « accountability » à l’anglosaxonne 

qui permettrait des débats publics sur le sujet. 

Sur un plan européen, la fiscalité locale poursuit des objectifs assez 

proches d’un pays à l’autre mais obéit à des règles très hétérogènes. 

Globalement, les objectifs de la fiscalité se traduisent par trois 

grandes préoccupations : le rendement de l’impôt, le caractère 

incitatif de celui-ci, l’équité entre contribuables. A partir de ce cadre, 

le système français peut être comparé au système britannique qui 

fonctionne largement avec un système de redistribution assuré par le 

gouvernement central pour tenir compte de la situation des habitants 

d’une commune, ou avec le système allemand qui fonctionne sur un 

partage multiniveau des mêmes impôts. 

138


De fait, actuellement, la situation française pourrait se caractériser par 

la sédimentation progressive de mécanismes de péréquation de grande 

complexité (dotation globale, dotation de solidarité urbaine, prime à la 

constitution d’intercommunalités à fiscalité propre…). 

En centrant la proposition sur les impôts payés par les ménages à l’échelon 

communal, il s’agira d’apporter des éléments de compréhension et 

d’appréciation des logiques socio-politiques à l’œuvre dans les finances 

locales qui, pour les citoyens, se lisent d’abord en interrogeant leurs 

montants payés en taxe d’habitation et en foncier bâti, tout en sachant 

que la taxe professionnelle assise sur l’activité économique joue un rôle 

déterminant dans les ressources communales. 

Le fait que la fiscalité locale ait pour contributeurs non seulement 

des ménages, mais aussi des entreprises (taxe professionnelle) et, 

indirectement, l’Etat, invite également à analyser la citoyenneté fiscale 

locale dans le cadre d’un système d’acteurs à la fois politiques et 

économiques rarement perçus à travers cette fonction. 

La citoyenneté fiscale passe par la perception du lien clair à établir entre 

la recette et la dépense ; aujourd’hui le système fiscale local est opaque. 

Est-il possible de faire le point sur ces différents systèmes existants, 

sur la manière dont ils sont reçus par les citoyens, permettent-ils, et à 

quelles conditions, l’expression de la citoyenneté fiscale locale ? 

Le texte de la consultation est le résultat d’une élaboration collective 

qui a associé Catherine Neveu, Jacques Ion, Marion Carrel, chercheurs 

du secrétariat scientifique de l’atelier « Citoyenneté urbaine » du PUCA, 

Claire Gillio, François Menard, Nicole Rousier, Pascal Lemonnier, 

Patrice Aubertel du Secrétariat permanent du PUCA, avec les remarques 

et suggestions de Dominique Boullier et Vincent Renard membres du 

Conseil scientifique du PUCA. 

139


Les publications du programme 

CARREL Marion, NEVEU Catherine, ION Jacques (dir.), Les 

intermittences de la démocratie. Formes d’action et visibilités citoyennes dans la ville, 

Paris, l’Harmattan, 2009, collection Logiques politiques, 312 p. 

CARREL Marion, La citoyenneté urbaine du point de vue des gouvernés, synthèse 

bibliographique, Paris, Editions PUCA, 2008, collection Recherches n° 

185, en vente au Certu, 88 p. 

CHIMIENTI Milena « Mobilization of irregular migrants in Europe : 

a comparative analysis », Ethnic and Racial Studies, first published one, 3 May 

2011. 

Bilan de la consultation La citoyenneté urbaine, formes d’engagement et enjeux 

de solidarité. Editions Puca, 2007, collection Cahiers thématiques, 34 p. 

BAILLERGEAU Evelyne, THIROT Myriam, « Proximité et 

citoyenneté en milieu urbain. Les leçons de la pratique au Québec, aux 

Pays-Bas et en Espagne », La Revue du CREMIS (Canada), vol.1, n°3, 

novembre 2008, pp.29-33 

140

141 

Texte de la consultation internationale de recherche


conception graphique et impression MEDDL/SPSSI/ATL2 - imprimé sur du papier certifié écolabel européen 

142

Citoyenneté urbaine : formes d’engagement et enjeux de solidarité 

L’analyse de la production de la ville met généralement en scène les acteurs 

de la décision urbaine, élus, architectes et urbanistes, ou responsables 

d’entreprises. Pour le programme « citoyenneté urbaine », le PUCA a 

souhaité que les habitants soient les acteurs privilégiés des investigations 

des chercheurs. Comment les habitants s’inscrivent-ils dans ces processus 

de transformation de leur cadre de vie et comment développent-ils ainsi de 

nouvelles pratiques citoyennes ? Cette approche est à prendre en compte par 

les décideurs urbains, déstabilisés par la faible participation des habitants 

aux consultations organisées sur les politiques locales, voire même aux 

élections locales. Parallèlement émergent de nouvelles formes d’engagement 

et de participation à la vie collective et de nouvelles façons de revendiquer 

sa place dans l’espace public, y compris de la part de groupes peu visibles 

dans les dispositifs institutionnels. 

C’est pour identifier et caractériser ces dynamiques en cours que le PUCA 

a organisé en 2007, une consultation internationale de recherche « La 

citoyenneté urbaine : formes d’engagement et enjeux de solidarité », autour 

de deux thèmes centraux : une citoyenneté par–delà les lieux et les bornes, 

interrogeant le champ du politique à ses frontières, les rapports entre 

l’individuel et le collectif, le droit à la ville, à partir d’engagements divers ; 

et la citoyenneté fiscale locale, actualisant une question ancienne sur le 

rapport du citoyen à l’impôt local : la feuille d’impôt, et plus généralement 

la fiscalité locale, sont-ils un moyen ou un écran de cette relation entre 

gouvernés et gouvernants au niveau local ? Cet ouvrage rend compte des 

apports du programme. 

Le plan | urbanisme | construction | architecture | PUCA 

depuis sa création en 1998, développe à la fois des programmes de 

recherche incitative, des actions d’expérimentation et apporte son soutien 

à l’innovation et à la valorisation scientifique et technique dans les 

domaines de l’aménagement des territoires, de l’habitat, de la construction 

et de la conception architecturale et urbaine. 

Organisé selon quatre grands départements de capitalisation des 

connaissances : Sociétés urbaines et habitat traite des politiques urbaines 

dans leurs fondements socio-économiques ; Territoires et aménagement 

s’intéresse aux enjeux du développement urbain durable et de la 

planification ; Villes et architecture répond aux enjeux de qualité des 

réalisations architecturales et urbaines ; Technologies et construction 

couvre les champs de l’innovation dans le domaine du bâtiment ; le 

PUCA développe une recherche incitative sur le Futur des villes à 

l’impératif du développement durable. 

Ce plan 2007-2012 se décline, selon huit programmes finalisés dont les 

objectifs de recherche répondent aux défis urbains de demain. 

Ces programmes sont accompagnés par des ateliers thématiques de bilan 

des connaissances et des savoir-faire, ainsi que par des programmes 

transversaux à l’échelle des territoires et des villes et à l’échelle européenne 

avec la participation du PUCA à des réseaux européens de recherche. 

Le PUCA, par ailleurs, assure le secrétariat permanent du programme de 

recherche sur l’énergie dans le bâtiment. 

plan urbanisme construction architecture 

Le gouvernement des villes et la fabrique 

du bien commun 

Planification sociale de l’urbain et services publics 

Citoyenneté et décision urbaine 

Intercommunalité et métropolisation 

Normes et fabrique du bien commun 

Le renouveau urbain 

Rénovation urbaine et mixité sociale 

Renouvellement et recomposition des quartiers 

Créativité et attractivité des villes 

L’avenir des périphéries urbaines 

Territoires urbains et sûreté 

Architecture de la grande échelle 

Habitat pluriel : densité, urbanité, intimité 

Systèmes périurbains et coûts d’urbanisation 

Dynamiques et pratiques résidentielles 

Comportements résidentiels et défis démographiques 

Vieillissement de la population et choix résidentiels 

Habitat et services aux personnes âgées 

Evolutions démographiques et inégalités territoriales 

Accès au logement 

Trajectoires résidentielles 

Recompositions institutionnelles de l’offre de logement 

Modes et formes de l’hébergement 

Economie foncière et immobilière 

L’innovation dans l’architecture et la construction 

Projet négocié 

Logements optimisés : coûts, qualité, fiabilité, délai 

Concept qualité, habitat, énergie 

Observatoire des bâtiments durables 

Palmarès de l’innovation 

Evaluation énergétique du patrimoine existant (PREBAT) 

Bâtiments démonstrateurs (PREBAT) 

Territoires et acteurs économiques 

Espaces urbain et dynamiques économiques 

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Développement économique local et mondialisation 

Economie de l’aménagement 

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Collectivités locales et politiques énergétiques (PREBAT) 

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POPSU2 

PUCA plan urbanisme construction architecture 

Grande Arche de la Défense - Paroi Sud 

92055 La Défense Cedex 

Téléphone : 01 40 81 24 30 

Télécopie : 01 40 81 63 78 

www.urbanisme.equipement.gouv.fr/puca

La citoyennetÃ© urbaine formes d'engagement et enjeux de solidaritÃ© ...

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