Jean-Marc Auclair : “J’ai toujours cru qu’il était essentiel de circuler, voir, rencontrer des personnes”

Auteur/producteur de fictions et showrunner, Jean-Marc Auclair nous parle de son activité au sein de sa société Alauda Films/Makever/Mediawan Originals.

Lia Dubief
Paper to Film

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Jean-Marc Auclair. Photo Kathy Auclair

Peux-tu nous parler de ton parcours ?

J’ai toujours voulu travailler dans le cinéma ou à la télévision. Mon père m’a très vite orienté vers un métier qui tenait plus la route et donc j’ai fait une école de commerce. Au sein de l’école, nous avons produit un film sur l’histoire de la publicité. À la fin de mes études, j’ai passé un an à faire le tour du monde en tant que professeur de plongée. Quand je suis rentré en France, j’ai rejoint le producteur des Bronzés 1 & 2, parallèlement j’entretenais une pratique de l’écriture. J’ai ensuite travaillé dans d’autres sociétés de production jusqu’à ce qu’une productrice tombe par hasard sur un de mes scénarios — « écrit la nuit ». Elle l’a présenté à Canal + et m’a annoncé un jour qu’elle allait le produire. Cela m’a motivé à persévérer dans mon élan. Depuis, j’ai écrit une centaine de fiction qui ont été tournées et multi diffusées. À l’époque, Marathon m’a proposé d’écrire une série d’aventure en Afrique du Sud, puis de la produire pour M6. J’ai passé huit mois en Afrique du Sud pour tourner cette série en tant que showrunner. À la suite de cela, j’ai fait une série (B.R.I.G.A.D.) avec Olivier Marvaud pour France 2 dont les 2 saisons ont été diffusées pendant treize ans. Après, j’ai initié et co-écrit Mes amis, mes amours, mes emmerdes qui a duré 4 saisons sur TF1.

Comment est née Alauda Films ?

J’ai été contacté par les fondateurs de Makever, ils cherchaient des personnes prêtes à s’engager avec eux dans la création de nouvelles boites de prod. Alauda Films a été créée avec leur formidable soutien — pour l’instant j’ai produit 2 films — je suis encore jeune dans le métier ! J’ai récemment signé l’exclusivité monde d’une grande « marque » française pour développer un projet à dimension internationale.

Comment choisis-tu un projet ?

Je fonctionne beaucoup aux coups de cœur, même s’il faut garder en tête les attentes des chaînes. En même temps certains projets que j’ai vendus en tant qu’auteur n’étaient pas pensés pour convenir du tout aux chaînes, comme quoi il faut aussi parfois les surprendre. Je n’ai pas de formats de prédilection, mais il y a encore beaucoup de choses que je n’ai pas tentées. Je me suis concentré sur des fictions de prime de 52' ou 90', des séries et des unitaires.

Quelles sont tes sources d’inspiration en tant qu’auteur ?

L’idée de Mes amis, mes amours, mes emmerdes nous est venue d’une envie de faire une série de copains, de parler d’une bande d’amis en s’inspirant des choses que nous vivons avec les gens qui nous entourent. Je ressens parfois une forme de nécessité, un besoin d’écrire un projet, une envie de me projeter dans un univers. Je ne suis pas psychologue, je ne sais pas pourquoi un auteur veut écrire ! Le projet qui est en ligne sur Paper to Film est une comédie sur les voyages d’État. Chaque année, le Président de la République part à l’étranger avec une délégation d’hommes d’affaires. Avec un collègue auteur, nous avons vu un reportage qui suivait Jacques Chirac en voyage d’affaires. Nous avions trouvé cela presque surréaliste : le Président ressemble alors plus à un VRP (dans le bon sens du terme) qu’à un chef d’État, entouré de sa délégation, ils prennent un avion et se rendent dans un pays pour vendre des produits français, et tout cela se passe en 48 heures. Nous avons obtenu deux rendez-vous à l’Élysée, nous avons même eu accès à un programme détaillé d’un de ces voyages avec la description précise du timing de chaque action. Nous y avons trouvé un grand potentiel comique et nous avons commencé à imaginer un intrus précipité malgré lui dans cette mécanique bien huilée. Un prisonnier en cavale se retrouve donc au sein d’un voyage d’État, à la place du pilote d’essai du dernier Rafale qui doit être testé au Brésil — et bien sûr il ne sait même pas ouvrir le cockpit.

Préfères-tu l’écriture solitaire ou collective ?

J’aime bien la co-écriture avec les bons partenaires car c’est riche et plus amusant, mais je peux aussi bien écrire seul. En revanche je pense qu’il est difficile d’écrire à plus de deux. Il faut une certaine alchimie entre deux êtres pour créer ensemble. Il y a un co-auteur avec qui j’ai travaillé sur quinze films, nous étions très complémentaires, mais au bout d’un moment nous ne pouvions tout simplement plus travailler ensemble. Je crois que nous avions épuisé les ressources de cette alchimie qui nous liait l’un à l’autre dans la création. Nous ne parvenions plus à nous surprendre, et nous connaissions bien trop nos failles respectives. En tant que producteur, je tente parfois des « mariages » d’auteurs, certains fonctionnent, d’autres moins, c’est assez imprévisible.

Comment rencontres-tu des auteurs ?

Pendant longtemps j’ai adhéré au Club des Auteurs en tant que scénariste, donc je m’étais fait un petit réseau. Lorsque je suis passé à la production, l’information a circulé. Maintenant je reçois entre cinq et dix projets par semaine, et pour compléter mes recherches, je vais à la rencontre des agents pour découvrir des nouveautés. J’imagine qu’un outil tel que Paper to Film pourra aussi nourrir de nouvelles rencontres avec des talents. J’ai pris l’habitude de faire le tour des festivals chaque année, je me rends à La Rochelle, Séries Mania, Séries-Séries, au London Content ainsi qu’à des projections à Paris. J’ai toujours cru qu’il était essentiel de circuler, voir, rencontrer des personnes. C’est une curiosité et une ouverture qu’il faut entretenir.

Quelle est selon toi la nature de la relation entre un auteur et un producteur ?

J’ai la chance d’avoir occupé ces deux places — donc je pense savoir comment parler à un auteur. Je travaille vraiment main dans la main avec les auteurs, et j’essaie le plus possible de les rendre présents sur le tournage et même au montage. Il est important pour moi qu’ils restent jusqu’au bout dans la fabrication du projet. Je n’adhère pas du tout à une certaine manière de faire qui consiste à lâcher le scénariste une fois qu’il a vendu son projet. Pour moi, même en télévision, l’auteur doit avoir sa vision et il faut lui laisser la voie ouverte pour qu’il la porte jusqu’au bout.

As-tu un mot pour les auteurs ?

Il faut d’une part croire en ses projets, et d’autre part écrire beaucoup. Je pense aussi qu’on doit toujours avoir un œil ouvert sur ce qui se fait, être attentif et curieux. Nous avons la chance d’avoir un cinéma de grande qualité, mais je garde malgré tout l’impression que la France est encore très en retard dans le domaine de la série et de la création télévisuelle.

Jean-Marc Auclair est auteur et co-fondateur de la société de production Alauda Films avec Makever/Mediawan Originals.

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